Procès à Prudhomat en 1816
février 15th, 2010 by xavierHistoire du procès entre Marie-Anne Rougié épouse Déchamps et Pierre Mazot. #
Pourtant, cela avait bien commencé. En effet, Marie-Anne Rougié, de Reingues, avait épousé en justes noces Jean Pierre Déchamps de Bonneviole, le 16 novembre 1785. #
Comme de coutume à l’époque, entre gens ayant du bien, un contrat de mariage fut passé, dans lequel Marie-Anne donnait tout pouvoir à son mari et à son beau-père dans la gestion de sa dot, mais « à la charge, toutefois, de les lui reconnaitre sur leurs biens », c’est-à-dire d’en être garant. Cette dot était composée d’argent et de terres. #
Le père et le fils usèrent de leur droit, puisqu’en plus d’utiliser l’argent, ils vendirent à Pierre Mazot, demeurant au lieu-dit Dastorgues de Prudhomat, une terre « dans le terrement de Raget au Castagnol », le 24 octobre 1804. #
Seulement, voilà : Marie-Anne n’était pas une femme soumise et avait du caractère. C’est pourquoi, après plus de 25 ans de mariage, elle demanda et obtint la séparation de biens de son mari, déclarée le 21 septembre 1811 par un jugement, scandaleux pour l’époque, qui obligeait son mari à la rembourser de la totalité de sa dot. (Il est possible que la vente de ce terrain fût l’élément déclencheur de sa démarche). #
Et c’est là que les choses se compliquent, car tout l’argent avait été dépensé, et les biens de son mari ne représentaient qu’un peu plus de la moitié du montant de sa dot. #
Après un autre jugement, du 19 décembre 1811, elle prit possession des biens de son mari « à charge pour elle d’en employer le produit à la nourriture tant d’elle et de ses enfants que de son mari ». Autrement dit, l’autorité changeait de camp, et elle devenait la patronne. #
Mais cela ne lui suffit pas, et elle essaya de récupérer la terre que son mari et son beau-père avaient vendue au sieur Mazot. Elle intenta donc un procès à ce dernier. #
Le pauvre Pierre Mazot n’y comprenait rien : il avait acquis cette terre très régulièrement et ne comprenait pas qu’on voulut la lui reprendre, disant qu’il fallait, puisqu’il y avait litige, se retourner contre ceux qui lui avaient vendu le bien en question, c’est-à-dire les Déchamps père et fils. Il est remarquable de voir qu’en cette circonstance, il était soutenu par Maître Bruno Rougié, notaire à Reingues et devant qui l’acte de vente avait été signé, le propre frère de Marie-Anne. #
Le jugement rendu fut très clair : si dans l’ancien droit (royal), elle aurait pu avoir gain de cause, le nouveau droit (le code Napoléon) ne le permettait plus. Elle pouvait vendre les terres de son mari, mais ne pouvait récupérer celles qui avaient été vendues. #
Pendant tout le temps que dura le procès, de début 1813 à fin 1816, Napoléon revenait de la campagne de Russie, était obligé d’abdiquer et était exilé à l’île d’Elbe. Louis XVIII montait sur le trône. Napoléon revenait pour les Cent Jours, était battu à Waterloo, emprisonné à Sainte Hélène et Louis XVIII rétabli au pouvoir. #
Comme quoi les grands événements historiques et les bouleversements politiques n’ont jamais empêché les gens de se chicaner et les tribunaux de fonctionner, ni les officiers ministériels d’être pratiques : en effet, le papier timbré pour l’enregistrement du procès porte en même temps, sur les mêmes feuilles, le cachet « Empire Français » et le cachet « Timbre Royal » ! Il n’y a pas de petites économies… #
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