Lucien Albert: Notes de la guerre | août 1914 – octobre 1914
novembre 11th, 2013 by bruno boutotNote de Xavier = (ndx): Pour expliquer, préciser, émettre une hypothèse ou carrément dire mon incompréhension ……………..
Je n’ai pas transcrit tous les points de suspension (souvent toute une ligne) et j’ai rectifié légèrement (aussi peu que possible) la ponctuation.
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Avant la mobilisation
La quinzaine précédant la mobilisation, je faisais ma tournée aux environs de Py, par Bretenoux. #Le jeudi 30 Juillet, j’étais à Beaulieu ; je déjeunais chez mon ami Coudert, j’allais dîner le soir chez ma chère fiancée. Le matin, j’avais pris une commande de 30 tonnes de charbon à Mr Ginibière. #
Vendredi 31. Réveil à 6 h. Je déjeune, et sans songer aux bruits de guerre, je pars faire Bretenoux, Liourdes, que je quitte à 2 h. J’arrive à 2 h ½ à Puybrun où, Hôtel Rome, Je reçois une dépêche de mon frère me priant de rentrer.
Sans hésiter, je repars à Py, de là gare de Bretenoux où je prends le train pour Brive. J’y arrive à 6 h ½, je rencontre à la gare de nombreux amis maréchaux qui allaient sur appel spécial rejoindre leur régiment.
L’avenue de la gare est noire de monde . La Maison est…. Sur le qui vive, mes commandes sont là, prêtes,…et Antonin m’exprime ses craintes sur la guerre. #
AOÛT #
Samedi 1er . Réveil à 6 h. Le personnel est au complet. Nous nous contentons de discuter sur la situation. Je ne pouvais encore croire à la Guerre, quand à 10 h ½, le Sergent Major Lagarde me dit : Je puis presque vous assurer que l’ordre de mobilisation est arrivé à la poste, il en sortira à 2 h. Devant ce renseignement, je me décide à partir à Bretenoux où la veille j’avais laissé ma voiture. J’y arrive à 2 h ½, de là en auto sans arrêt à Py…. Quelles heures……………… Départ pour Brive en auto à 5 h, en arrivant au pont de Carennac, j’ apprends officiellement l’ ‘Ordre de Mobilisation’ ; en traversant Vayrac, je le vois affiché sous le regard de nombreux gens qui pleurent. J’arrive à Brive à 6 h ½, …….Quel voyage………… Etaient devant la porte ma Tante, tout le personnel. Mon frère était allé à mon devant…… Terrible soirée !………………..
Antonin et Emile sortent en ville. #
Dimanche 2. Réveil 6 h. On s’embrasse avec Antonin… Demain séparation ?
1er jour de la mobilisation… A 8 h, avec François et Clovis, nous emballons nos livres de comptabilité. A 9 h, paye du personnel (atelier), à midi, déjeuner en famille. A 4 h avec Antonin, nous sortons faire un tour en auto en ville. A 5 h apéritif avec tout le personnel. A 6 h chez Maître Eschapasse, notaire, à 6 h ½, j’écris à Jeanne. 7 h ½, dîner en famille, à 10 h ½, repos. #
Après la Mobilisation
Lundi 3. Réveil 6 h. Tante est là. J’ai bien le cœur un peu gros. Debout ! et nous lui confions tout ce que nous avons de plus cher comme souvenirs de famille.Avec Antonin, nous nous partageons 800 Frs en or, nous prenons notre petit déjeuner, un petit baluchon, et en route vers la gare….Séparation…. Léa, Marie… Nous accompagnent Vedrenne, Romain, une partie du personnel, quelques amis qui rejoignent le même régiment que nous.
Antonin part le premier vers 8 h, moi le deuxième en compagnie de mon ami Dulmet vers 9 h (via Périgueux) où nous arrivons à 1 h ½, beau voyage. Courtaud était dans le compartiment. A 4 h nous étions au quartier où on nous laisse la liberté de ressortir jusqu’au lendemain matin 6 h. #
Mardi 4. Réveil 5 h ½…. Départ du quartier à 7 h pour aller cantonner au château de Landry près Lesporat à 9 km de Périgueux. A 10 h j’étais habillé, j’avais fait connaissance de mon Capitaine. A midi, j’étais de retour à Périgueux. Dans la soirée, je rends visite à quelques amis et clients, je fais quelques emplettes et reste coucher à Périgueux. #
Mercredi 5. A 6 h, j’étais au cantonnement, rien d’anormal, retour aussitôt à Périgueux. Même emploi du temps que la veille ; le soir, je vais coucher avec Roubier dans une bonne ferme à 100 m du château, après avoir mal dîné à Périgueux. #
Jeudi 6. Préparatifs pour le départ sur le Champ de Bataille…. A 5 h, devant le château, messe à laquelle assiste la 3e batterie.
A mon arrivée je fus désigné comme brancardier, et comme le portait mon fascicule affecté à la troisième batterie, 34e artillerie, 7e pièce, Capitaine De Joffre, Lieutenant Castel, Adjudant Barraud, Maréchal des logis Bost, Brigadier Tétard, infirmier Delpeut ; Brancardiers Audoin, Clerfeuille, Rouhier, Albert.
Conducteurs : Camion n° 10 Eseurat, Radet, Béneteau
Camion n° 11 Chaumet, Penaud, Legros
Camion n° 12 Cailleton, Houillère, Beaudufé
Servants : Hervat, Martin, Montaricourt.
A 8 h ½, réunion de toute la batterie par le capitaine qui nous adresse un speech, à 10 h repas, à 2 h revue d’ensemble, à 4 h départ pour la gare.
Enthousiasme général en traversant Périgueux. Je dis un grand au revoir à Daunat et Mr Pradier. A 7 h ½, tout est embarqué : canons, caissons, voitures diverses. Nous dînons à la clarté des lampes électriques de la gare de marchandises. A 10 h, départ pour…. Un lieu inconnu.
Vendredi 7 et Samedi 8. Toujours en chemin de fer en passant par Limoges, Châteauroux, Bourges, Saint Florent, (Accueil particulier dans cette dernière ville où nous passions le Samedi vers 2 h) Saint Dizier, etc., pour arriver à 10 h (soir) à Givry-en Argonne (Marne)
Durant tout ce parcours, distribution de fleurs, d’aliments de la part des habitants de ces 9 départements que nous venions de traverser. Durée de ce trajet : 72 h.
Dès notre arrivée, débarquement du matériel, nous terminons à minuit. #
Dimanche 9. Minuit et demi, départ pour La Neuville-Aux-Bois (954 h) (Marne). Arrivée 2 h, réveil dès 5 h , nous logeons chez le cantonnier, nous y faisons nos repas. Repos tout ce Dimanche, ainsi que #
Lundi 10. au même endroit. Nous voyons pour la première fois des troupes de toutes les armes, passant à la gare ou sur la route. #
Mardi 11. Réveil 5 h. Nous partons pour Froideau, nous logeons chez le maire dont la fille a son mari au front. Nous séjournons dans cette commune les Mercredi 12 et Jeudi 13.
Durant ce laps de temps, j’ai aidé à Chanat à faire la cuisine ! J’ai vu Simon « Mussidan » croisé le 12 où j’ai rencontré quelques amis. Nous recevons pour la 1re fois la visite des aéroplanes Allemands.
Nous faisons des emplettes (Lait, vin, conserves…) #
Vendredi 14. Réveil 1 h du matin. Départ aussitôt pour Cierge (Meuse) où nos arrivons péniblement sous un soleil brûlant à … midi. 12 h de voiture…. Durant le parcours, nous avons traversé Varenne où je rencontre Mr Tharaud, carrossier à Limoges. J’y vois également la maison où Louis XVI a passé la nuit du 21 Juin 1791, et grimpé ensuite une des plus longues et plus terribles côtes de France. #
Samedi 15. Nous partons à 4 h pour arriver à 7 h à Bantheville. Tout le jour, visite d’ avions allemands 10 au mois. Le soir, nous dînons chez de braves vieux, lesquels nous procurent une bonne soirée. Nous causons guerre (il avait fait 70), politique, industrie, (connaissant bien cette région) et de cette journée de fête……… Ils sont si satisfaits qu’ils nous gardent à coucher dans le foin de leur grange. Nous sommes là à 30 km du Luxembourg. #
Dimanche 16. Départ de Bantheville. A 4 km, nous faisons halte à La Neuville. Nous y trouvons les gens affolés : il y a eu là une rencontre entre avant-postes allemands et dragons. De ces derniers il y a dans les maisons 4 blessés et deux morts.
Nous étions là, campés dans une belle plaine qu’un ordre nous oblige à quitter précipitamment à midi après avoir grimpé une pénible côte….traversé un grand bois (3 km au moins) et Yvor à 5 h. Nous arrivons à Sailly (Ardennes) à 6 h du soir (soit encore 10 h de voiture), nous sommes là à 10 km de la Belgique.
Nous nous installons dans une belle prairie de la commune, et le groupe intime chez J.Jean, une des bonnes familles du pays. Elle a un fils et le gendre aux armées. Nous y sommes reçus comme les enfants de la maison, nous dînons avec ces braves gens, et nous couchons dans leur grange. #
Lundi 17. Réveil à 6 h ½, nous déjeunons au lait !….. A midi, un poulet, à 7 h un lapin !…. Tout le pays est très hospitalier, la vie point chère….. #
Mardi 18. Réveil 6 h ½. Arrivée des fantassins du 126 e (ndx : régiment de Brive). Je rencontre Lagarde (Sergent Major), Breuil, Valtas, etc., avec lesquels nous trinquons. Nous logeons toujours à la même enseigne.
Le soir, je vais visiter Carignan (12000 h) à 3 km de notre camp. #
Mercredi 19. Même réveil. On commence à s’impatienter là, il me tarde de voir ces allemands qui, paraît-il ne sont pas loin. Durant tout le jour, nous recevons la visite de nombreux avions Allemands, les mitrailleuses les bombardent sans merci.
Toujours bon accueil et repas chez nos hospitaliers. #
Jeudi 20 . Encore tout le jour à Sailly ; qu’y a-t-il ?… Mais, bien nourris, nous prenons néanmoins tranquillement patience. Je vois journellement quelques Brivistes parmi lesquels Lacoste, Chabreyroux. Promenade de 8 h à 11 h du soir. #
Vendredi 21. Alerte à 1 h . Départ pour Blagny que j’avais visité la veille. Nous arrivons à Les Deux Villes (Ardennes) à 9 h ½, nous installons notre pièce chez une brave vieille (active, intérieur irréprochable). Elle met à notre disposition sa cuisine et sa cuisinière. Avec Chanat, nous nous mettons à l’œuvre et préparons un bon déjeuner. Mais, quelle guigne ! Prêts à tremper la soupe, il faut partir !… Tout en l’air et en route !
Sur son long, nous croisons le 21e chasseur. Je serre la main aux maréchaux qui m’annoncent qu’ils ont eu dans la matinée 2 morts et 3 blessés. Nous commençons à sentir cette maudite race Teutonne.
Nous croisons les premiers émigrés Belges. A 7 h du soir, nous franchissons la Frontière Belge. Quel enthousiasme se manifestait parmi nous. Nous pénétrons dans cette vaillante nation par une magnifique forêt. Nous arrivons à 11 h du soir à quelques centaines de mètres de Florenville et cantonnons dans un champ de blé. Nous nous servons de gerbes comme matelas mais la pluie nous réveille à 1 h , et, autour d’un feu qui brûle péniblement, nous causons avec le Capitaine qui nous encourage. #
Samedi 22. Nous grimpons sur nos chevaux et caissons à 4 h ½. Nous traversons Florenville (où j’achète une carte que j’adresse à Jeanne) à 5 h du matin. La place est noire de monde et cette foule qui, cette nuit encore, était toute anxieuse, nous manifestait sa satisfaction, et respirait à pleins poumons. La veille, aux environs, à Izel, s’était livré une grande bataille. Continuant notre route, nous arrivons à Saint Médard à 10 h ½.
La lutte était déjà engagée avec l’infanterie, les 126, 100, 108, 50e étaient aux prises. Nous mettons rapidement en batterie et à 11 h nous tirons le premier Coup de Canon de la Campagne. A quand le dernier ?…
Usant de mon audace, je prie une fermière de bien vouloir nous faire le café ; je voyais qu’il y avait impossibilité de déjeuner. L’eau bout…Départ !… Nous traversons le village et nous croisons la première mais longue procession des blessés !….Quelle impression !….
Nous arrivons sur le plateau de Neuvremont d’où nos fantassins viennent de déloger les boches…Quel tableau ! Ils sont là quelques centaines, étendus morts !…..
La batterie tire toujours sur les allemands en fuite et nous nous mettons à l’œuvre. Nous aidons à conduire les fantassins trop blessés au poste de secours. Cela au milieu des balles qui sifflent sans cesse autour de nous !… Quel baptême de feu !…
Vers 4 h Panique !…… Retour à Saint Médard à 6 h , nous croisons des prisonniers allemands, et une charmante jeune fille qui m’offre une tartine de beurre, du lait. Perdus, car nous étions restés avec l’infanterie, nous couchons dans la grange de ces braves gens, tout près de la 1re batterie, alors que notre batterie était restée sur le plateau au milieu des boches. #
Dimanche 23. Réveil 4 h . Nous rejoignons notre batterie et le bombardement recommence, mais un avion nous ayant repérés, une grêle de mitraille s’abat sur nous. Pas de mal chez nous, mais la 1re brigade a 2 morts, 6 blessés, quelques chevaux tués.
L’infanterie placée devant nous cède sous la pression ennemie, il faut déguerpir. Le deuxième jour, battre en retraite, c’est terrible !!… Dans notre fuite précipitée, la 1re abandonne un canon, un caisson.
Nous traversons Saint Médard Vers 7 h ½, font comme nous les 21 et 52 et tous les régiments d’infanterie. Nous retraversons sans arrêt, un peu confus, Florenville vers 8 h ½, ayant à notre poursuite (nous, 12e corps) 3 corps allemands. Nous reprenons position à Morgues. Nous couchons sur nos caissons. #
Lundi 24. De bonne heure, nos pièces étaient en batterie sur un immense plateau, ayant à nos côtés le 2e. Malgré le tir continu de l’ennemi qui nous oblige à changer trois fois de position, nous tenons jusqu’à 3 h du soir.
Le désarroi commence à s’emparer des fantassins qui s’enfuient devant les mitrailleuses ennemies, ou viennent s’abriter derrière nos pièces. A 5 h , impossible d’y tenir, je tremblais devant cette déroute !…..durant laquelle nous perdons l’échelon, les pièces de tir. Après nous être ressaisis, nous les rejoignons en traversant Blagny. Nous essuyons le feu de quelques uhlans égarés qui sont aux prises avec les fantassins.
Le colonel du 52e y est tué. Quelques km avant Blagny, le Major Vétérinaire Plantureux arrive au triple galop remonter le moral de la colonne. Après mille détails à signaler, nous arrivons à Sailly à 11 h du soir, à l’endroit même où nous avons séjourné les 17, 18, 19, et 20 Octobre.
Les conducteurs détellent et nous nous dirigeons vers notre logis. Mais, quel spectacle ! tout est vide, les gens sont partis ! (beurre, jambons, vaches…). Nous nous couchons… A peine endormis, #
Mardi 25. Alerte à 1 h du matin. Départ aussitôt, l’ennemi arrive avec une vitesse foudroyante ; par la même route qu’à l’aller, nous arrivons à Yvor, , traversons la forêt où nous rencontrons cette pauvre famille Jean Jean, et nous repassons la Meuse. Que de réflexions ont été faites au sujet de ce fleuve. L’avenir nous prouvera les bonnes (ndx : réflexions) !
Nous gagnons la rive gauche et nous essayons par des tirs continus à arrêter la marche de l’ennemi (Villemonvix). Le soir, nous campons sous une pluie battante à l’intérieur d’un bois à proximité. Durant la nuit, L’armée allemande passe le fleuve…. #
Mercredi 26. Réveil 4 h . Depuis longtemps (le « coucher ») nous ne dormions pas !.. et de là nous grimpons sur un plateau marneux (quoique appartenant aux Ardennes). Nous y trouvons 10 cm de boue dans laquelle les chevaux peinent à faire suivre nos pièces. Il pleut toujours !
Vers 9 h ½, nous y recevons l’ordre, (quel ordre ?…) de nous porter au moulin du Grésil, près Yone par Mouzon. Nous sommes accueillis dans ce fond par une canonnade qui dure 1 h ½ !… Carrère, trompette, y trouve la mort, Saulmé, Maréchal des logis, blessé, quelques chevaux tués…..
Un obus percutant tombe à 3 m de nous, les brancardiers, à côté de la voiture ambulance. La terre est restée 8 jours collée à la visière de mon képi !!
Nous quittons sans peine comme d’heureux rescapés ce triste patelin pour nous diriger vers La Besace. Nous nous installons dans un champ aux environs lorsqu’un aéroplane ennemi nous ayant encore dénichés, lance au milieu de nous quelques papiers blancs pour permettre aux siens de mieux nous repérer.
Nous délogeons aussitôt pour La Besace même où nous arrivons à 8 h ½. On mange la soupe. Depuis le départ de la Belgique, nous n’avions pas eu le temps d’en faire !… Après ce ‘copieux’ repas, nous couchons dans une grange avec des émigrés. Encore une journée de voiture ? #
Jeudi 27. Réveil 4 h , départ 8 h pour Oche, 2 villages au dessus où pendant 4 h nous maintenons l’ennemi. Nous entendons pendant ce temps une furieuse fusillade entre fantassins. Que doit-il se passer ?….. L’artillerie de droite et de gauche restée en position, nous nous reculons un peu mais d’où (ndx : nous tirons) après un léger repos. #
OOO Artillerie qui n’a pas bougé #
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Où nous venons #
Vendredi 28. Dès la première heure, nous faisons de la bonne besogne. Il paraît que notre capitaine voyait sauter les boches par 12, 15 à la fois !
Malheureusement, une contre-attaque ennemie nous oblige à continuer notre retraite.
Malheureusement, nous avons de nombreux blessés chez les fantassins. On les croise partout. Je rencontre Cyrassis (ndx : ?), adjudant au 126e auquel je fais un pansement et que nous ramenons à Laveyrrière où, après avoir eu à 6 h du soir une fausse alerte, nous couchons (les brancardiers) à 11 h dans une grange. Là, surprise, nous y rencontrons Jean Deprat.
Dans cette retraite, nous avons ramassé un mouton. Nous le partageons entre l’échelon. J’en offre un morceau (le gigot) au capitaine. #
Samedi 29. Réveil 2 h ½. Départ aussitôt pour venir à Cy. (Nous y dév. 1 vol. il y en a 150 au moins en 30 km). En se rendant dans les environs se mettre en surveillance, le Lieutenant Colonel se blesse.
Nous prenons position à l’est du plateau de Stenay. Sans avoir tiré un coup (ndx : de canon), départ à 4 h du soir.
Nous arrivons le soir à 10 h au quartier des chasseurs à Vouziers. Quel soupir de soulagement. Nous sortons dîner en ville. #
Dimanche 30. Réveil 7 h . Matinée libre ; quel nettoyage.
A 2 h , départ en surveillance aux environs. J’y rencontre Julien Soubrenie, Eugène Breuil, Romain Neuville, qui mangent avec nous. A 8 h ½ retour au quartier, on m’y distribue plusieurs lettres… quelle joie… il y en a de Jeanne, d’ Antonin, de Vedrenne, etc. #
Lundi 31. Départ du quartier à 5 h. En arrivant vers 7 h à Voncy ( Ardennes), nous tombons dans une embuscade ennemie, la fusillade commence aussitôt et nous prenons position. Nos fantassins arrivent vers 9 h à chasser tous les teutons de Voney.
Mauvais début pour une partie du 326e arrivé le matin même. J’y rencontre Ribes, Treuil, etc. etc.
A 10 km nous allons chercher quelques blessés dans le village où nous faisons quelques emplettes !….
Vers les 11 h une lutte terrible d’artillerie s’engage entre les 52e, le 34e surtout, et l’artillerie allemande, qui se termine à 8 h du soir.
A notre batterie : De Joffre blessé, une balle à la poitrine, 4 canonniers blessés, et nous laissons quelques chevaux. Nous portons nos malheureux camarades à Terron sur Aisne. J’y rencontre Mr Bruel, vétérinaire, Buisson-Chavant d’ Uzerche et Segol de Beaulieu.
Vers 6 h , quelques uns du 326 conduisent environ 40 prisonniers cachés dans une cave à Vonay.
A la fin du combat, malgré une victoire assurée, nous allons coucher dehors vers 11 h au-delà de Vouziers. #
SEPTEMBRE #
Mardi 1er Départ à 3 h du matin pour Ardeuil. Nous traversons Montbois aux environs duquel est installé un champ d’aviation où une dizaine au moins d’avions y sont installés. A 10 h nous sommes à Ardeuil. On s’y repose jusqu’au soir 8 h ½. Vers 5 h arrive une partie du 326e dans laquelle j’y vois Roche, Treuil, Palus, Barethie, Maynard de Serilhac, etc.
A 7 h nous dînons chez une fermière avec Rouhier, Clerfeuille, et Audoin. (poulet). (La fermière est sur le départ) Bon café, et très rapidement sur nos caissons, battons toujours en retraite !.. mais très inquiets car POURQUOI ?… Nous le saurons un jour.
Donc, à 8 h ½, nous nous disposons à quitter Ardeuil (Ardennes) pour Sommepy (Marne) où l’on arrive à 3 h du matin, près Sainte Marie à Py. #
Mardi 2. Il y a 2 mois ! Il y a 1 mois !…………..
A 3 h du matin, nous campions dans un champ aux environs de Sommepy (831 h) Clerfeuille ayant trouvé une petite hutte de paille, nous nous y dirigeons. Surprise ! un émigrant Belge est là. Après avoir décliné ses qualités et montré ses papiers, nous le laissons à nos côtés.
Réveil 6 h . Nous venons prendre position sur un magnifique plateau où pullulent les lapins ; nous mettons sur pied un renard qui court au milieu des lièvres effrayés sans la moindre idée de les capturer. Nous nous trouvons là entre la belle route de Chalons et la Suippes (rivière).
A 10 h nous tirons les premiers coups. A 6 h du soir, nous bombardons encore l’ennemi qui est toujours à nos trousses !…
A 7 h nous recevons l’ordre d’aller camper dans les plaines de céréales de soirain (ndx : ?) où nous trouvons les fantassins campés et faisant leur ‘popote’.
Tableau unique : Mille feux dans cette vaste plaine. Il est 9 h du soir, et quel ‘boucan’ à quelques km plus loin. Nous nous emparons des meules de paille qui s’y trouvent, lesquelles, après un léger repas, nous servent de bonnes couchettes. Repos bien mérité, il est 11 h du soir. #
Jeudi 3 . Réveil 1 h . L’ennemi, paraît-il, avance comme une trombe. Nous allons au camp de Chalons où nous arrivons vers 4 h 1/2. A peine descendus de cheval ou de nos caissons, les obus fusants ennemis tombent sur nos têtes. Qu’est-ce ? Un mystère ; on se regarde…Impossible de comprendre. Vers 10 h il faut encore déloger !……..
Nous traversons au galop le camp, et sans arrêt. Puis par Vadenay, où nous trouvons les gens affolés en train de déménager. (Pain, poules) Nous arrivons à Saint Etienne –au-Temple (195 h) à midi. Nous mettons en batterie toujours pour retarder l’ennemi dans sa marche ‘trop rapide’ et y rencontrons de nombreuses troupes (cuirassiers, chasseurs, cycliste, etc.)
On nous dit qu’une division de cavalerie allemande est égarée dans la région.
Après y avoir bien employé l’après midi (vin trop cher !.. et nous être bien soignés), nous changeons de position en nous portant 2 km au sud. Il est 6 h du soir. Nous faisons un peu de café. Nous nous préparons à aller nous reposer quand à 9 h nous recevons l’ordre de partir. Les boches bombardaient déjà Saint Etienne et un bataillon du 107e d’infanterie qui passe tout essoufflé a failli être fait prisonnier à un km de Saint Etienne !… On saute sur nos caissons. Nous prenons cette belle route de Chalons qui nous favorise la marche.
A 11 h nous traversons Chalons Sur Marne (27 800 h). Le bruit du roulement de nos pièces réveille tous les habitants, les fenêtres s’ éclairent des têtes égarées s’approchent ; comme nous, ils vivent dans un mystère !… Ils nous pressent de questions : D’où venez vous ? Où allez vous ? #
Vendredi 4. Nous sommes toujours sur la route. Nous arrivons enfin à Pogny (617 h) à 2 h du matin. (Nous sommes debout depuis la veille 1 h du matin !)
Nous faisons un autre café et à 3 h ½ nous allons nous reposer dans une grange d’où sortent des fantassins de Cahors (17e corps).
Réveil 6 h ½. On se nettoie et l’on attend. Nous assistons vers 10 h à un défilé émouvant d’émigrés, ils sont au moins 1000. Où vont-ils ?… Devant eux ?…
Après nous être partagé une boite de ‘singe’, nous quittons à 11 h Pogny pour Aulnay (125 h) où nous mettons en batterie. Nous trouvons tous ces pays déserts, plus un seul habitant. Nous étions là auprès d’un château. Je m’installe dans une des nombreuses charmilles ; j’en profite pour écrire de nombreuses lettres.
A 8 h nous quittons nos positions pour venir coucher dans un bois de pins sur les bords de la grande route de Chalons à Vitry, aux environs de Soulanges (219 h). Il fait bon, sur quelques gerbes de paille nous dormons très bien. #
Samedi 5. Réveil 1 h du matin ! Nous étions si bien !… Départ pour Somsois (458 h ), laissant Vitry à 1,500 km à gauche nous longeons toujours la route nationale vers Bussy aux bois. A 9 h du matin, nous avons un arrêt qui me procure la grande satisfaction de rencontrer F. Peyrebrune. On s’empresse de trinquer, nous causons de Brive, des amis…
Durant cet arrêt, tout le 52e artillerie défile devant nous ainsi que le 21e chasseur (une partie). J’y vois les maréchaux et quelques amis.
A 10 h nous continuons notre route. Durant ce grand parcours, j’admire tous les villages que nous traversons, bâtis entièrement en bois (écoles, maisons, granges). J’ai trouvé également une ferme qui me cède du bon vin vieux à 1 fr. le litre. Arrivée à l’étape à 11 h . Nous nous préparons un bon déjeuner, la soirée se passe à attendre les ordres. (Nous nous permettons d’en donner quelques unes (ndx : bouteilles) à notre Maréchal des Logis Bost).
Beau soleil, jeu de quilles sur l’eau. (bouteilles) #
Dimanche 6. Réveil à 3 h du matin. Nous avions déjà profité d’un bon somme dans une grange voisine du campement avec notre chef Machenot. A 5 h du matin, nous mettions en batterie aux environs de Les Rivières Henruel (134 h ). Nous déjeunons à 8 h .
L’ennemi nous est signalé . A 9 h commence la canonnade. Elle se poursuit sans arrêt jusqu’au soir à 8 h ½ ; à 9 h ½ du soir nous ramassions encore nos blessés. La 1re perd le Maréchal des Logis de Beauvais, nous autres 2 canonniers.
La 9e batterie à 9 morts et quelques blessés, un seul coup d’obus en a tué 4 parmi lesquels le pauvre Julien Soubrenie d’ Allassac.
A 10 h ½ nous campions au village des Rivières (ravitaillement de vin, lapins…) . Quel Dimanche !…
J’avais reçu la veille de Jeanne un extrait d’un article de Lavedan (Illustration du 8 Août) « Dimanche midi à Saint Pierre de Chaillot » !!…..
Lundi 7. Réveil 3 h , nous reprenons la même position. A 4 h commence le lancement de la mitraille jusqu’au soir. Un obus ennemi tue 3 chevaux à la fois. Les hommes sont indemnes. Durant la journée, les avions allemands nous on fait changer 3 4 fois de place.
Le soir, avec quelques réserves de la veille, bon repas. Repos à 11 h. #
Mardi 8 . Réveil à 4 h . Nous reprenons aussitôt les mêmes positions de la veille, mais en arrivant, quelle surprise : nos fantassins sont déjà aux prises avec leurs mitrailleuses. Ils ont, paraît-il, été surpris endormis par les avants-postes ennemis qui leur ont infligé des pertes sérieuses. Nous sommes rapidement en batterie.
Nos batteries ont du gravement les endommager : ayant commencé nos tirs à 1 800 m, nous les terminons le soir à 6 500 mètres…
A 9 h du soir, l’échelon rejoint son poste, mais les pièces de tir restent à leur place, tirant toute la nuit, montrant à l’ennemi que nous y sommes toujours… Pendant ce temps, les fantassins reprennent leur position.
Le soir, avant d’aller nous coucher, nous avions déniché une bonne maison pour passer nos nuits un peu plus agréablement qu’en pleins champs . #
Mercredi 9. Réveil 4 h . Comme durant la nuit, tout ce jour une grêle d’obus s’abat de part et d’autre. Triste journée pour notre batterie : Nous avons 10 blessées parmi lesquels notre Maréchal des Logis.
A 11 h du matin on enterrait Chizan, Sous-lieutenant, le soir le Commandant de Castellanne commandant le 300e d’infanterie. Encore une de nos pénibles journées….. Repos 10 h . #
Jeudi 10. Toujours réveil 4 h . Toujours sur le qui-vive, mais plus de recul.
Avant notre départ pour nos positions habituelles, le Lieutenant Castel nous annonce qu’on nous a notifié l’ordre d’arrêter la retraite.
Vaincre ou mourir, ne plus reculer.
Il nous apprend aussi que l’ Autriche est pour ainsi dire anéantie.
Rien de la matinée ; nos pièces ne retirent qu’à midi, par contre il y avait un attaque de fantassins, et dès 1 h commence le triste cortège des blessés.
Il paraît que le Colonel Dubois (de Tulle) du 126e faisant fonction de Général de Brigade est blessé.
Un bataillon du 326e vient renforcer nos lignes. Dans le cortège, je rencontre Romain, Roche, Fournet.
A 8 h du soir, réception d’hommes et de chevaux du dépôt de Périgueux. A 9 h ½ repos.
(J’ai vécu toute la semaine avec Simon comme voisin) #
Vendredi 11. Réveil 5 h . Toute la nuit fusillade et canonnade. I l y a eu plusieurs charges d’infanterie.
Dès le rassemblement, nous apprenons, avec quelle joie ! que l’ennemi est en déroute. A 11 h, en effet, nous recevons l’ordre d’avancer. Nous quittons hâtivement les Rivières-Henruel que nous habitions depuis 5 jours ½ .
Quelle semaine !
La semaine des Victoires.
La semaine de la Marne.
Elle restera des plus mémorables dans l’histoire……….. #
Dès nos premiers pas, nous voyons le champ de bataille. Des cadavres en masse dans les fossés, dans les champs, dans les collines.
Arrivés à Chatel-Raould (215 h) nous trouvons toutes les maisons bombardées ; dans une, où les boches mangeaient, ils sont 10 étendus autour de la table. (Ils mangeaient du cochon)
L’église présente une grande brèche qui montre jusqu’où va la barbarie Allemande, jusqu’aux caveaux qui ont reçu les obus ! Quel spectacle hideux !…
Nous faisons halte à côté de Courdemange où s’est livrée la plus grande bataille sur le M. Morey : 1200 cadavres au moins jonchent le sol.
Arrivés près d’ Huiron (265 h) nouvelle halte. Nous en profitons avec Julo, Tixier, voir les ruines de cette commune de laquelle il ne reste qu’une maison. Toutes les autres sont incendiées. Je prends là le casque du cadavre d’un homme des plus robustes de sa race.
Nous visitons la maison non incendiée où nous trouvons encore un pot de confitures. Continuant notre pèlerinage au milieu de tous ces animaux calcinés, tous ces débris qui nous déchirent. Nous apercevons dans une petite étable que les flammes avaient évité une vieille ! On s’approche. Quel récit :
Elle était restée seule du village à l’approche de l’ennemi et s’était cachée à l’extrémité d’une sombre cave. Ses fils s’étaient enfuis. Elle est restée là 4 jours sans voir la lumière. Elle a, nous dit-elle, 82 ans. Elle pleure, et ne sait que nous dire ou nous demander : « Ils ne reviendront pas ? » Nous la rassurons, la quittons toute émue.
Sa maison a brûlé sur elle, elle a entendu le bruit de tous les obus anéantissant son village, et quelle vision à sa sortie ! Pauvre vieille !
Nous allons coucher à 200 m de Glannes (238 h). Ce village a été épargné des flammes. Nous sommes en pleins champs, la pluie n’a cessé de tomber. Quelle maudite nuit ! #
Samedi 12. Réveil 4 h . (Si je puis employer le mot ‘réveil’ ! : nous étions sous la voiture sans avoir pu fermer l’œil). Mais à 4 h , autorisation d’allumer du feu (Escande), nous faisons trois marmites de café, soit ¾ de litre chacun. Cela nous réchauffe un peu.
Départ à 6 h pour Blacy où nous traversons la Marne (route qui traverse la rivière avec passerelle pour piétons) et son canal. Puis Lisse (208 h), sœur d’ Huiron, pauvres communes au ¾ incendiées. Une seule famille est restée dans le village, le père, la mère et les trois enfants. Leur maison est détruite, et celles qui restent ne sont que de pauvres chaumes.
Puis par Bassu, Vanault-le-Chatel où nous rencontrons 30 allemands blessés laissés par les leurs dans leur fuite rapide.
Notre courage se ranime, nous sentons que l’heure de la revanche commence à sonner, nous trouvons même que nous ne marchons pas assez vite, nous voudrions courir à leur poursuite.
Nous arrivons à 8 h du soir, sous la pluie, à Bussy le Repos (235 h). Il mérite bien ce nom, car, grâce à ses granges évitées de la rage ennemie, nous avons bien dormi. (étable à brebis) Mais dehors, quel orage ! Combien ont du en souffrir ! Il y a là des régiments de tout corps. #
Dimanche 13. Réveil 4 h . Départ qu’à 7 h pour Somme-Yevre, Varimont, où nous rencontrons quelques rares rescapés qui ont eu le courage de rester. Ils nous racontent leur misère : tout est pillé.
A midi nous traversons Herpont (288 h) complètement incendié. Pas un habitant n’a pu être témoin du sinistre. Pauvres gens ! Arrivée à Auve (397 h) même spectacle, pas une maison debout. Détail émouvant : une femme est carbonisée dans le chœur de l’église, la seule qui peut-être aurait pu raconter l’heure du début et de la fin du sinistre.
Il est 5 h du soir, l’ennemi s’est-il arrêté dans sa fuite ? D’ici nous entendons les coups de nos canons. C’est sans doute le 21e qui tire.
A 6 h du soir nous arrivons à Somme Bionne (121 h) où la population nous fait un bon accueil. L’ennemi était là à 1 h , il n’a pas eu le temps de leur faire aucun mal. Ils ont pourtant fusillé deux hommes qui leur avaient été impolis.
Nous dînons sommairement et couchons dans une grange. #
Samedi 14. Réveil 6 h . Il fait beau. Après un bon déjeuner, départ à midi. Il paraît que le 17e corps qui est devant nous est aux prises avec l’ennemi.
A 1 h, nous traversons Somme Tourbe (175 h) : Tout est détruit, y compris l’église. Nous causons avec un marchand de vin ‘qui craint pour sa réputation à venir’ car seul il est resté au pays, il a logé les officiers ennemis, leur a fait si bon accueil que seule sa maison a été épargnée.
A 9 h nous arrivons à Saint Jean sur Tourbe (214 h) en partie détruit. Sans manger, nous nous glissons dans une grange dont un pan est abattu ! Mais il pleut, on est très heureux d’avoir cet abri.
Tout le jour nous avons entendu le canon, et l’après midi nous avons croisé des blessés du 17e corps. #
Mardi 15. Réveil 6 h . Couché dans le foin, j’écris de nombreuses lettres. Puis repos. J’en avais besoin. Grande lessive !
Le soir, Bonnand dîne avec nous. Toute la journée, nous entendions une canonnade continue. Que s’est-il passé ? #
Mercredi 16. Après avoir vécu une nuit comme la veille, nous quittons Saint Jean à 7 h du matin pour Somme Suippes (557 h) sauvé des flammes pour Suippes (2 670 h) où nous arrivons à midi, ville qui me laisse une bonne impression, très coquette, elle paraît même très riche.
Un magnifique château aux initiales L.A. bâti a l’entrée de la ville nous montre que l’ennemi n’a pas ménagé cette ville : il est à moitié brûlé.
Nous longeons le quai de l’ Arquebuse maintenant une eau stagnante, et nous prenons position dans un champ unique en étendue (plaine). Nous y trouvons 3 régiments d’artillerie déjà occupés à tirer (17e corps). Arrivent ensuite les 21e et 52e d’artillerie.
Ces 6 régiments tirent presque tout le jour. Quelles salves !
A 8 h du soir, alors qu’on allait tremper la soupe, ordre de partir (pauvres frites !) et sans murmures, avec une infanterie qui retarde notre marche, nous arrivons à demi trempés à Saint Remy sur Bussy (329 h) à 2 h du matin ! (6 h pour faire en voiture 10 km) (ndx : voiture à cheval, bien entendu…) #
Jeudi 17. Réveil 6 h. Départ aussitôt pour venir nous mettre en position aux environs de La Croix en Champs (100 h ?) En traversant ce petit pays, je rencontre vers 10 h pour la première fois Emile Pestourie, le conducteur de l’auto de Monsieur Coulié, le docteur Lafon, Lapeyre de Malpeyre.
Après avoir passé une journée sans tirer, nous partons à 7 h sous une pluie battante par des chemins impraticables….
La batterie y laisse 6 chevaux. Du terrain marneux par excellence, glissant, et par endroits des ornières de 20 cm.
Nous avons bien fait au moins 10 km de la sorte avant de rejoindre la grande route, la pluie tombe et le vent souffle ! Ce dernier est si glacial que nous descendons des coffres, des caissons, pour marcher à pied, et par Somme-Suippes et Suippes nous campons dans un champ entre cette ville et la Jonchery où nous arrivons #
Vendredi 18 à 1 h du matin. Les chevaux restent attelés, nous abattons des sapins et essayons de faire du feu, mais impossible, il pleut toujours. Quelle triste nuit ! La plus mauvaise que nous ayons passé depuis le début de la guerre !… Oh quelle nuit piétinant dans la boue !… Enfin l’aube apparaît, la pluie s’arrête. J’en profite pour me changer, en plein air, à 6 h du matin.
Nous faisons un peu de café. A 7 h nous quittons ce champ maudit pour le camp de Chalons où nous nous installons à 9 h ½. Là, le Lieutenant Nicoleau commandant l’échelon nous conseille de faire de bonnes cahutes, risquant de séjourner là quelques jours. Quel soulagement !
Cette expression nous ranime, nous réchauffe, car nous étions encore sous les effets de la nuit !
Sitôt la soupe, nous nous mettons à l’œuvre : Avec Clerfeuille et Audoin nous nous en construisons une spéciale, unique. Dans la promenade de la soirée, nous trouvons des matelas laissés pêle-mêle par les allemands aux environs du camp. Quelles bonnes couchettes ils nous procurent !
La batterie tire depuis son arrivée sur le village de Saint Hilaire le Grand (480 h) pour en déloger les allemands. #
Samedi 19. Réveil 6 h . Nous entendons vers 8 h une fusillade d’infanterie qui se continue jusqu’à 10 h . Repos complet jusqu’au coucher à 9 h du soir. #
Dimanche 20. La pluie nous réveille vers 3 h du matin. Notre cahute est bien de toute solidité, construite en sapin de 8 à 10 cm de diamètre, mais malheureusement, la couverture de branches n’est pas imperméable. Nous nous levons et attendons le jour autour d’un bon feu, car là, nous trouvons des sapins secs.
Dès que le jour apparaît, nous allons dans le baraquement du camp chercher quelques planches. Nous avons la bonne fortune d’y trouver du ‘carton cuir’. Quelle bonne aubaine ! Nous voilà abrités de l’eau, du froid, du vent !
Le soir, nous chassons les lapins, lesquels nous permettent de faire un bon repas. #
Lundi 21. La bataille continue toujours autour de Saint Hilaire. Arrivée d’hommes et de chevaux du dépôt. Beau temps. #
Mardi 22. J’ai le plaisir d’aller déjeuner à Mourmelon-le-Grand (5 000 h) en compagnie d’ Avril et Clavier. Quel plaisir de nous retrouver à table d’hôte (hôtel de l’ Europe) . Nous faisons quelques emplettes et rentrons à notre campement à 2 h du soir. Je termine la soirée à écrire. #
Mercredi 23. Mourmelon n’est qu’à 2 km 500 de notre campement. Belle promenade. A 11 h , avec Avril, nous étions installés au même hôtel. Nous rapportons de bonnes bouteilles de Cognac, de Bénédictine, De Rhum, etc. Grand repas. Retour à trois heures. #
Jeudi 24, Vendredi 25. Attaque durant la nuit de mercredi à jeudi. Nous chassons le lapin tout ce jour, sans rien d’anormal. La batterie tire de temps à autres quelques coups toujours sur Saint Hilaire où les allemands sont admirablement bien fortifiés. (Voir le bulletin des armées). #
Samedi 26. A notre réveil à 6 h , je trouve quelques Brivistes présentant des chevaux, arrivés du dépôt durant la nuit, Crémon d’ Eyras, Lacoste, Simon de Brive. Comme ils repartent pour Périgueux, je remets, après avoir discuté ( ? poss. Ndx) ensemble, le casque d’ Huiron au compagnon Simon pour qu’il le remette en reconnaissance à nos amis Daunats, Carrossiers à Périgueux.
A midi, je reviens à Mourmelon. Retour à 4 h. A 6 h, Nous recevons l’ordre de quitter nos positions pour avancer de 2 km environ. Départ 9 h du soir, arrivée dans un autre bois de pins à 10 h du soir. Toute la batterie reste là, caissons et canons sont côte à côte.
Notre position est critique, le Capitaine nous dit que l’ennemi peut nous trouver facilement, qu’il nous conseille de creuser des souterrains ou bien des cahutes pour nous protéger des obus.
Aussitôt nos canons et caissons en batterie, nous nous mettons à l’œuvre. Le Lieutenant Coussieux (Frère de l’oculiste de Brive), affecté depuis peu à l’échelon, dirige nos travaux.
Nous creusons une fosse de 3 m de long, 1 m de large, et 1 m de profondeur. Pendant que Clerfeuille, Delpeut, Fonteneau, creusent, j’abat des sapins de 15 cm de diamètre qui nous servirons à la fois de plafond et à soutenir les 3 m3 de cailloux que nous extrayons de ce terrier calcaire. A 9 h du matin nous sommes à 60 cm de profondeur.
Les arbres sont prêts. Nous sommes si lassés que nous ne pouvons descendre plus bas. Nous mettons provisoirement la travée en place, nous couvrons de même et nous nous couchons. Que de cauchemars !…. #
Dimanche 27. Dès le réveil nous nous remettons à l’ouvrage. Vers 8 h ½ notre demeure était terminée. Nous déjeunons à 10 h.
L’ après midi, nous allons faire un tour à ‘la Ferme Saint Hilaire’ que nous trouvons entièrement bombardée par l’ennemi. (Ferme servant de dépôt de remonte des Chasseurs). On use de la grande pompe… De retour à 4 h , je me met à écrire.
A 5 h arrive M. Escande, Lieutenant accompagnant le Commandant. Nous causons un moment ensemble.
(N. di. o. p. n. A.) !… ( ? code des Compagnons ? ndx)
Dîner 6 h. Les jours baissent. Nous n’avons pas tiré ni reçu d’obus de la journée. Après, une promenade d’une heure dans les bois où nous trouvons un grand parc de ruches ; quel élevage !
Nous nous couchons à 8 h. #
Lundi 28. Réveil 6 h . Toujours beau temps. Nous tirons quelques coups vers 8 h, l’ennemi nous répond. A 11 h nous tirons à nouveau, l’ennemi nous répond aussitôt. La soirée, j’écris encore…
Repos à 8 h , à 11 h, grande attaque d’infanterie. Tout le monde sur pied ! Nous sortons précipitamment de nos refuges, l’horizon paraît enflammé, la fusillade est continue.
Les allemands lancent quelques obus lumineux, nos canons ne bougent pas. Leurs projecteurs rendent plus impressionnantes ces minutes d’angoisse, les cœurs s’étreignent en songeant à la boucherie dans la nuit qui s’accomplit. (Peut-être verrons nous un 2e Mont Moret). #
Mardi 29. Minuit. La fusillade continue ; je m’approche et cause avec le Capitaine. Notre entretien dure jusqu’à 1 h. Nous faisons les cent pas dans l’allée qui longeait le bois. Durant notre causerie, il me dit : « Il faut nous abrutir à la guerre jusqu’à ce que nous les aurons complètement anéantis. »
A 2 h il y a un peu d’accalmie, à 2 h ½ nous nous recouchons.
Debout à 6 h. A 8 h, on nous signale une batterie ennemie à environ 4 500 m. De Joffre la trouve, règle son tir. Sur une observation du lieutenant, il modifie légèrement et commençant à 4 600 m par 25 m fauché jusqu’à 4 200 m, les 4 pièces tirant sans arrêt. Quelles salves !
Le tir terminé, je dis au Capitaine, car j’étais à ses côtés dès le début, : « Si chaque coup a porté, il ne doit plus rien y rester ! » Il me répond en souriant : « Nous les avons anéantis ou ils sont cuirassés ! »
Deux minutes se passent, et un obus tombe à 30 m. Il s’écrie : « Nous sommes vus, cachez-vous ! » Chacun se sauve dans sa cachette…
Nous sommes à peine à nos places qu’une grêle de mitraille s’abat exactement sur notre position, grêle qui sans arrêt dure 10 mn au moins, 10 mn qui m’ont duré 1 h , 10 mn d’angoisses indescriptibles durant lesquelles deux caissons, dont l’un à 3 m de nous, sautaient.
Pour la première fois j’avais le trac, j’étais blême, tout tremblait autour de nous.
Accalmie. Je sors. Quel affreux spectacle ! Les arbres sont abattus ou déchiquetés. Dans cette fumée noire, épaisse, asphyxiante, j’aperçois le Capitaine qui court comme affolé. Je vais à son secours, Barreige arrive en même temps. Sa figure est couverte de poussière. « Qu’avez-vous ? » lui demandons nous.
Il nous répond avec une volonté et un courage inouï : « Ils ne m’ont crevé qu’un œil, mais ils m’en ont laissé un. Avec l’autre, on pourra encore faire de la bonne besogne. »
Il nous prie d’aller voir le Lieutenant Castel. Ce courageux est là, étendu dans sa tranchée, (située à 10 m de notre fosse qui a failli nous servir de tombeau !), le crâne enlevé, mort. J’ai pleuré !
Trois autres canonniers sont ensevelis dans leur tranchée. On les dégage rapidement. Un seul, Durand, est blessé, le Sergent Chef légèrement contusionné, l’autre indemne, ce sont de véritables rescapés…
Nous courrons, nous allons tous, ébahis comme des égarés, au milieu de ces décombres. Après ¼ d’heure de cette terrible vie, nous nous ressaisissons, nous ramassons nos affaires, et Clerfeuille abat un cheval qui est aux ¾ déchiqueté et qui est debout quand même. Trois autres sont à ses côtés étendus morts : vision lugubre.
Nous nous dirigeons aux avants-trains cachés dans un bois à 500 m de là. Repos le reste de la journée, mais quel repos ? Quelle journée ?…Nous couchons dans le bois sous les avants-trains. Il fait beau… #
Mercredi 30. Réveil 1 h pour aller chercher les canons et les caissons abandonnés la veille.
Les pièces de tir prennent une nouvelle position au sud de celle si malheureuse d’hier. L’échelon s’installe dans un grand bois 2 km au sud, où nous construisons une nouvelle cahute en sapin. Nous avions eu soin de porter notre carton !
Je pense toujours aux cruelles visions de la veille. #
OCTOBRE #
C’ est par Jeudi 1er que nous commençons le 3e mois de la guerre. Nous réserve-t-il une victoire et des jours moins pénibles que Septembre ? Tout croyant prie pour cela.
Rien de particulier à signaler de la journée. #
Vendredi 2. Que de tristes souvenirs nous rappellent ces 2 !… Aujourd’hui, pour m’en écarter un peu la pensée, par une coïncidence rare, je reçois diverses lettres de ma Jeannette qui me réconfortent.
Rien de particulier. #
Samedi 3 . Réveil 6 h. Il y a de la gelée blanche. Il a fait froid. Heureusement, nous ne nous en apercevons qu’à notre réveil, autrement dit, nous avons bien dormi.
A 10 h arrivent des chevaux du 49e (Poitiers). Un Sous officier achète un képi d’alboche 20 frs et quelques autres souvenirs de guerre qu’il paye fort cher.
Le soi, avec Audoin, nous allons visiter et veiller avec le 2e groupe. Bonne veillée, grand feu. #
Dimanche 4. A 7 h nous changeons de position. Nous venons nous installer dans un bois plus touffu à 500 m et à 100 m des positions que nous avions prises le 18 Septembre. Comme le 18 Septembre, le Lieutenant Nicoleau nous conseille de faire de solides cachettes !… Que se prépare-t-il ? L’avenir nous l’apprendra…
Dès notre arrivée vers 8 h, nous nous mettons courageusement à l’ouvrage. Après déjeuner, vers 11 h, nous allons rendre visite à Clerfeuille au Fort Saint Hilaire où nous prenons un bon verre de Bénédictine, et le soir, nous terminons notre royal…château.
Jamais depuis le 6 Août nous ne nous sommes si bien abrités ! #
Lundi 5. Je me décide à apprendre à monter à cheval. Ecole de 9 h à 10 h. Le soir, chasse. #
Mardi 6. Rien d’anormal. La batterie tire quelques coups de canon.
Je fais le croquis de notre demeure que j’adresse à ma fiancée et à Vedrenne. #
Mercredi 7. Je vais à cheval aux baraquements de Mourmelon où le 326e se trouve au repos venant des tranchées.
J’y rencontre Romain, Treuil, Buissonie, Breuil, Sage, Gibert, ainsi que quelques autres Brivistes. Belle matinée. Le soir à Mourmelon. #
Jeudi 8. Retour aux baraquements. Je croise Roche, Barethie, Gounet.
Le centre ne bouge plus. #
Vendredi 9. Nous venions à peine de terminer un magnifique parterre devant notre logis, que , vers 10 h, arrive un Brigadier de la 2e batterie, nous chercher pour aider à soigner les blessés de sa batterie.
Nous courrons et nous trouvons 6 blessés dont trois grièvement, 12 chevaux blessés.
Une heure après, un obus tombe dans une tranchée, y met deux Maréchaux des Logis en bouillie…
Le soir, une carte d’ Antonin m’apprend qu’il sera peut-être au camp sous peu, qu’il sera probablement désigné pour accompagner un wagon de munitions. Quelle surprise ! #
Samedi 10. Je vais à Chalons à 11 h, nous déjeunons à l’ ‘Hôtel du Commerce’, même foie qu’il y a 20 jours à Mourmelon !
Nous faisons quelques emplette, à 6 h retour au camp.
Bonne journée, j’ai vécu. #
Dimanche 11. Réveil 6 h ½. Après ma toilette, je me met immédiatement à écrire. A 9 h, surprise ! François arrive en vélo m’annoncer qu’ Antonin m’attend à Mourmelon. (Détail : je cachetais sa lettre !) Quel saut ! Je fais seller un cheval et galope à sa rencontre. Quelle minute !…
Il vient déjeuner avec nous au camp. A midi nous allons au Fort en compagnie d’ Audoin voir Clerfeuille et boire une bonne ‘Bénédictine’. Hasard : Romain vient nous y trouver. Retour au camp à 4 h.
A 5 h nous étions aux cantonnements du 326e où nous rencontrons Breuil. Tous trois nous accompagnons Antonin jusqu’à la Pyramide où une fourragère l’emmène à Bouy…
Quelle inoubliable journée, impossible à décrire ! #
Du Lundi 12 au Samedi 17 rien de trop saillant à signaler. Les matins je suis allé de temps à autre en promenade ‘au vin’, c’est une véritable semaine de philosophe qui vient de s’écouler…
Sauf quelques soirées, ainsi que pendant la semaine précédente, où de bruyantes attaques de nuit de 8 h à 10 h, de 11 h à 12 h, ou de minuit à 3 h, nous ont fait lever.
Théophile Chabut arrive du dépôt. #
Dimanche 18. Nous allons déjeuner à Mourmelon. #
Du Lundi 19 au Vendredi 23. Aucun fait marquant. Quelques nouvelles attaques de nuit.
Le froid commence à se faire sentir. A noter une promenade quotidienne de 6 h ½ à 8 h du soir quant il ne pleut pas.
A 4 h ½, corvées à Mourmelon : Vin, pain, liqueurs. #
Samedi 24. Les fantassins partent. Le bruit court que nous allons les suivre. Où ? Mystère !…
Le soir, nous terminons avec Clerfeuille, Avril et Ponthier la semaine par un bon dîner chez Mr Barat, pâtissier. Retour au camp à 11 h. La pluie qui nous accompagnait au début s’arrête à mi-chemin. Nous en profitons pour bien sceller une fraternité de guerriers intimes par un serment !… #
Dimanche 25. Préparatifs tout le jour, on déloge.
A 11 h du soir, départ. Arrivée #
Lundi 26. à 3 h du matin dans un magnifique bois de pins aux environs de Sept-Saulx (300 h) où j’apprend officiellement qu’ Antonin est à Brive !…
Là encore, toujours avec le carton, nous faisons une convenable demeure.
Le soir, Emile Pestourie (il couche avec nous) vient s’installer avec des canons de 90 à 150 m de nous. Quelle joie ! #
Mardi 27. Réveil 6 h. il a plu toute la nuit, mais grâce à notre belle cachette, toujours couverte en carton, nous ne l’avons point sentie.
Vers 4 h du soir, un avion allemand vient sur nos positions. Un avion français arrive à l’horizon pour le chasser. Au lieu de se sauver, l’avion allemand se dirige sur l’avion français dès que celui-ci paraît être à 3 km du 1er . Quel choc dans les airs ?… Quelle émotion !…
Mais, arrivé à 1 km (à vue d’œil) l’un de l’autre, l’avion ennemi tourne à gauche et fuit.
A 6 h je vois Peyrebrune qui me raconte le beau geste de Dulmet : Maréchal des logis, agent de liaison du 34e et 126e , en compagnie de 10 volontaires, ont porté 1 kg 700 chacun de mélinite (explosifs ndx) dans les tranchées allemandes. #
Mercredi 28. Bonne matinée. Je reçois le passe-montagne que m’a confectionné Jeanne.
Le soir, beau temps. Je fais collation en compagnie de François Peyrebrune et Emile Pestourie sous un pin près de la cachette. #
Jeudi 29. Je reçois des friandises d’ Antonin. Je fais quelques lettres. #
Vendredi 30. Réveillé par la canonnade. Salve d’artillerie sans arrêt jusqu’à 5 h du soir.
A midi, je vais en compagnie de T. Chabut, Pestourie, voir Sipanis à une batterie de 90 à 2 km de la notre.
Le soir, à Sept-Saulx, comme apéritif, je bois avec François et Clerfeuille un bol de lait… #
Samedi 31. Veille de Toussaint. Réveil 6 h. Déjeuner comme depuis Mardi au chocolat au lait.
Je vais faire à cheval quelques emplettes aux Petites Loges à 2 km 500 du cantonnement. Dès mon retour, je met ce carnet à jour. J’écris quelques lettres.
A 8 h du soir, nous buvons une bouteille de champagne en l’honneur d’ Octobre qui nous a manifesté une assez grande sympathie ! Emile Pestourie, Chanat, Migoin sont de la partie.
J’ai reçu ce matin la carte n° 24 de Jeanne. #