Lucien Albert: Notes de la guerre | septembre 1915 – mai 1916
novembre 11th, 2013 by bruno boutotSEPTEMBRE 1916
Dimanche 12. Ma permission est terminée. A 0 h 04 minutes, j’embrassais pour une nouvelle date indéterminée mon oncle Vedrennes, Léa, Marie, Romain, venus m’accompagner jusqu’au train qui me conduisait aussitôt vers Paris.
J’ai comme compagnon de route M. Chambon satisfait de sa journée et Moinac, peintre, qui vient passer une journée à Paris, avant de rejoindre les brancardiers de corps du 12e où il est affecté.
A 2 h du matin, nous sommes à Limoges, à 3 h , Saint Sulpice – Laurière où M. Chambon me quitte pour rejoindre Vieilleville où il habite. Le temps est frais, il y a du brouillard.
Je m’endors aussitôt et m’éveille aux Aubrais. A 7 h ½ nous arrivons à Austerlitz. Quelle douce émotion j’éprouve en me revoyant dans cette gare où j’arrivais pour la première fois en 1905…10 ans !…
A la sortie, je prends un taxi qui, par le boulevard Beaumarchais, boulevard du Temple, place de la Bastille, place de la République, etc., me pose gare du Nord, où je retrouve Delombre et Grelon, brancardiers à la 9e batterie.
Nous déjeunons aux environs de la gare, et j’adresse, en souvenir de ces quelques heures à Paris qui me rappellent de si bons moments, des cartes à Jeanne, à Vedrennes, à Antonin.
A 9 h, départ de la gare du Nord, nous voyageons en compagnie de soldats belges qui sont comme nous depuis le début de la guerre. Ils viennent de passer leur permission à Paris. A 11 h nous arrivons à Saint Just en Chaussée ( gare de rassemblement qui doit nous remettre à la disposition de notre corps), 1 h avant le train des permissionnaires partis 24 h avant le mien ( arrivé jusqu’ici à mes frais) de Brive.
Nous faisons un bon déjeuner sous le hall de la gare (Delombre, Grelon, Boutet ), et j’écris quelques cartes.
A 3 h ½ du soir, départ de tous les permissionnaires du Corps arrivés depuis le matin de toutes les directions pour leurs gares de ravitaillement.
Après avoir passé Amiens, où nous nous ravitaillons en vins, Abbeville, etc., nous sommes le
Lundi 13. A 3 h du matin à Savy-Berlette où nous descendons après un bon sommeil, nous cherchons un wagon de marchandises sur une voie garée, dans lequel nous le complétons ( le sommeil ndx ) jusqu’à 7 h du matin…
Le soleil est levé ! Nous déjeunons avec Conchet et Bonnenfant en face de la gare. A 9 h ½ nous arrêtons une auto qui veut bien nous conduire presque au cantonnement où nous sommes vers 1 h du soir.
Là, je trouve tous les amis occupés au déménagement ; Ne pouvant plus dormir sous la tente à cause de la fraîcheur du marais, nous allons habiter des granges à la Rossée, groupe de maisons à côté d’Agnès les Duisans ( 150 m environ )
Dès mon arrivée, j’ai rencontré le fils Lamothe ( Bretenoux ) arrivé durant ma permission. ( 1ere batterie ) et l’on prévient Audoin qui est à la batterie de tir. A 4 h il est tout heureux de pouvoir aller faire ce que j’arrive de faire.
A 4 h ½, avec Clerfeuille, Audoin, Chaussart, Chanat, Escurat, nous goûtons un bon poulet Briviste et terminons un copieux repas par un ‘canard carabiné’…
A 6 h ½, Gaston monte aux pièces remplacer Louis. Comme personne ne m’a remplacé durant mes vacances, je n’aurai pas demain à monter au poste. Je reste donc à l’échelon jusqu’au 21 Octobre.
A 8 h, le lieutenant Nicoleau me commande d’aller le lendemain à Frévent chercher en voiture le lieutenant Barbier qui lui aussi arrive de permission.
Mardi 14. Réveil 3 h ½. Départ vers 5 h , arrivée à le Courroy 7 h ½ où je surprend Antonin… Il était loin de m’attendre ce jour et à cette heure. Nous causons pays, nous déjeunons, et en voiture pour aller déjeuner ensemble à Frévent où nous arrivons à 10 h.
Nous faisons quelques emplettes, une visite au marchand de fers de la ville, et à 11 h nous étions installés face à face devant une table bien servie où durant 2 h nous faisons bonne chère, et je lui raconte en détails l’emploi de mon temps au pays.
Nous nous quittons à 2 h ½ du soir. A 3 h ½ arrive le Lieutenant. En route aussitôt pour le cantonnement où nous sommes à 7 h ½ du soir.
Quelle bonne journée ! Combien j’étais heureux ! Malheureusement, triste vie ! C’est toujours cette maudite guerre… Un soldat du 126e est venu m’annoncer la mort de notre dévoué employé Eugène Breuil, sergent à la 8e compagnie, tué depuis le matin dans sa tranchée par les éclats d’un obus tombé à ses côtés. Pauvre Eugène, après 13 mois de guerre !… Pauvre mère !…
Mercredi 15 à Samedi 18. J’écris… Préparation de la Grande Attaque ! Obus de toutes sortes.
Dimanche 19. La veille, j’avais rencontré Meynard de Brive, sergent au 126e, descendu au repos à Agnès les Duisans. Je le prie d’accepter à déjeuner avec moi et de conduire Ribes qui est avec lui sergent à la 8e.
A 11 h ils arrivent ensemble ainsi que François Peyrebrune que j’avais fait prévenir depuis 3 jours. Nous faisons ensemble un excellent repas durant lequel nous mangeons le 2e poulet Briviste et finissons la bouteille de Cognac. Chanat est des nôtres.
A 2 h ½ chacun se sépare et j’accompagne François sur sa route. L’après midi, repos.
Lundi 20. Préparation de l’attaque par des tirs continus de l’artillerie. Je prépare mes affaires.
J’écris, et le soir je vais dîner avec mes invités de la veille Meynard et Ribes. Toute la soirée nous causons de … l’attaque.
Mardi 21. La préparation par l’artillerie continue. Les fantassins se lestent, laissant à l’arrière des paquets individuels contenant le surplus du strict nécessaire.
A 2 h avec Martial, Meynard, le fils Paulhiac, Labatie sergent et moi, nous allons à Mareuil, village presque détruit, déposer une couronne offerte par la 8e compagnie du 126e sur la tombe de Breuil.
A 7 h je monte aux batteries où se déclenche dès mon arrivée un tir de barrage énorme sur tout le secteur.
Mercredi 22. Comme depuis le 20, jour et nuit, préparation par l’artillerie… Qu’est-ce qu’ils doivent prendre !
( J’ai omis de noter en arrivant hier soir : 2e et 5e batterie 1 chaque… M. Roux !…) (Moi y’en a pas compris. ndx.)
La nuit arrive. Depuis ce matin à 7 h ce soir, la batterie avec 4 pièces a tiré exactement 1 200 obus…
Jeudi 23. Tout le jour, l’artillerie a continué son feu. Même nombre d’obus qu’hier tirés par nous. Pluie le soir.
Vendredi 24. Derniers préparatifs !… Vers 5 h une pluie de mitraille sur tout le secteur par nous. A 6 h du soir, le commandant nous donne connaissance de l’ordre du Généralissime Joffre. Les passages de cette page historique nous inoculent un sang nouveau…
C’est un signe caractéristique que l’heure de l’attaque approche.
Samedi 25. Journée mémorable pour l’histoire. Nos canons ne cessent de tirer. Nous déjeunons au son continu de la mitraille, quand vers la fin, comme dessert, les boches nous expédient une salve d’obus asphyxiants à droite et à gauche de la batterie.
C’est la première fois que nous en recevons, mais cela leur coûte cher , puisque aussitôt après les avoir dissipés par la chaux, de l’essence que nous faisons brûler dans de vieilles gamelles, et enfin en pulvérisant l’atmosphère avec de l’eau additionnée d’un quart d’ammoniaque, ( chacun de nous était muni de sa cagoule ou de ses lunettes ) , nous leur en adressons 1 000 en 1 h ½ , soit 250 par pièce de 10 h ½ à midi.
A midi 25, nos fantassins montent à l’assaut. Quelles minutes ! Ils avancent et nous allongeons notre tir… jusqu’à la nuit où nous connaissons à peu près le résultat : 108e, 300e ont bien marché, le 326e, moins favorisé, n’a pu directement sortir… Les tranchées ennemies étaient encore remplies de mitrailleuses. A la nuit, tout paraît avoir bien marché.
Chacun est satisfait et malgré les nombreuses larmes versées ( par le gaz ) , chacun cherche à se reposer dans sa tranchée.
Dimanche 26. Toute la nuit canonnade plus ou moins vive. Nous, nous sortons de notre trou assez dispos, car nous avons bien dormi, notre service n’ayant pas eu à être utilisé…
Hier, avant de déjeuner, j’ai tiré 3 coups… démoralisant pour l’ennemi ! Aujourd’hui 2 pour leur faire activer leur retraite….
A 10 h ½ nous déjeunons assez tranquilles et la batterie continue son tir.
A 1 h ¼ , nouvel assaut de nos fantassins…
L’on nous signale également comme officiel qu’en Champagne nous avons fait 7 à 8 000 prisonniers et progressé sur un large front, et que les anglais ont de leur côté énormément progressé.
A 9 h du soir, nouvelles attaques. Les détails sont bons, mais, quel bombardement !… Il faut le vivre pour le croire.
Lundi 27. Au réveil, nous apprenons avec surprise que le 126e a du quitter Thélus ou ses abords. Nous avons également abandonné le village des Tilleuls. Les autres gains se maintiennent. Depuis hier soir, des bombardements en masse… La pluie commence à tomber.
Quand à nous, nous continuons à tirer en moyenne de 1 000 à 1 500 obus par jour. Le soir, on relève le 108e.
La correspondance nous est distribuée régulièrement.
Mardi 28. Dans notre secteur, situation pour ainsi dire la même… Aujourd’hui doivent être relevés tous les régiments d’infanterie du corps. A 2 h du soir, nous apprenons que l’artillerie va également être remplacée.
Le soir, on me raconte à peu près les pertes subies par notre infanterie, c’est effrayant !…
Je dîne avec Delage de Lanteuil qui m’apprend la mort de Meynard, négociant à Serilhac, du 326e.
A 9 h ½, repos. Il pleut !…
Mercredi 29. Réveil par Romain Neuville. Quelle joie ! Je m’inquiétais tant sur son sort…
Avoir attaqué 2 fois, 4 jours et 4 nuits sans dormir ; malgré ses souffrances il ne paraît pas trop fatigué. C’est un rescapé de cette ‘fameuse attaque’.
Nous déjeunons ensemble. Je l’accompagne ensuite jusque sur la route d’Arras pour aller de là rejoindre son régiment à Mareuil.
Tout le reste de la soirée, bombardement de la vallée où nous sommes en batterie par des obus de 210. Les plus près tombent à 200 m de nous, nous recevons quand même leurs éclats.
Les officiers d’une batterie de renforts du 45e d’artillerie qui doit nous relever étudient les lieux depuis 10 h du matin. A 9 h nous commençons à déménager. Nous, nous suivons l’échelon venu chercher le restant des obus.
A 11 h toutes les pièces étaient remplacées et le tir continuait.
Jeudi 30. A 3 h du matin, après avoir fait la moitié du chemin à pied, nous arrivons à Noyelles-Vion où nous couchons dans une bonne grange sur 1 m de paille fraîche.
Je me crois dans un lit d’où je sors à 8 h assez bien reposé. Nous visitons la ville, nous préparons un bon déjeuner. Le 108e est allé au repos dans ce pays.
Le soir, grand nettoyage. A 8 h , au lit.
OCTOBRE
Quinzième mois de la guerre !
—-.—-
Si l’ du 25 a r ns d e à la frontière !…
( Que n’a-t-il pas voulu écrire en toutes lettres ? Des propos plus où moins défaitistes ? Je pense que le 1er mot est ‘offensive’, pour le reste, à vous de trouver. Ndx)
Vendredi 1er. Réveil 7 h . J’écris. Le soir, avec Audoin nous allons à l’Atre Saint Quentin où j’espérais trouver Antonin. Il était reparti pour cantonner à Le Courroy.
A l’équipe de réparation, l’on m’annonce qu’onze pièces ont sauté durant l’attaque. ( 21e, 34e, 52e )
Samedi 2. Réveil à 6 h. Après cette nouvelle nuit de repos absolu, nous voilà complètement remis.
A 11 h, nous quittons avec l’échelon Noyelles-Vion pour venir cantonner à Waquetin, à 10 km d’Arras.
Les 5 pièces formant la batterie de tir partaient à 2 h du soir pour aller prendre directement position dans un des faubourgs d’Arras, paraît-il assez dangereux.
A 2 h du matin, nous étions arrivés à notre cantonnement. Je trouve ici tout le 326e d’infanterie au repos. Avec les amis, nous commentons les 4 grandes journées de fin Septembre qui ont coûté pour notre division :
836 hommes hors de combat au 126e
hommes ‘ ‘ ‘ ‘ au 326e
hommes ‘ ‘ ‘ ‘ au 300e
hommes ‘ ‘ ‘ ‘ au 108e
( Il n’a pas du pouvoir avoir les chiffres pour les 3 derniers régiments. Ndx )
Quelle affreuse liste ! Trop de brivistes, hélas y sont inscrits : Tribier, Chabut, Bruyassoux, Claux, Beylie, le sergent Bos, etc., etc.
A 9 h ½, repos chez de braves gens.
Dimanche 3. Il y a un mois aujourd’hui, j’arrivais à Brive…….
Je passe cette journée avec les rescapés du pays, Romain, etc., etc.
Je vois arriver les hommes devant remplacer les manquants des 126e et 326e parmi lesquels Faye, Cimentier, Tallet ( garçon de café ), Saule ( savetier à Turenne ) , Bical de lanteuil, etc.
Quels hommes !… La moitié bleus ( Bleus : supposition. ndx )
Le soir, Audoin et Delorière montent aux pièces. Gaston et moi, nous retournons à l’échelon, nous irons les remplacer Samedi.
Lundi 4. Dès notre réveil, nous apprenons que le Chef Guichard et le brave Brigadier fourrier Cavalier de notre batterie ont été tués sous les décombres d’une maison à Arras, écrasée par un 210.
A 1 h, Gaston va les chercher en voiture. A 5 h nous les plaçons sur des brancards dans l’église. Triste journée !
Cavalier était l’ami de tous.
Mardi 5. J’écris. Toute la journée, pluie. A 4 h, obsèques de nos deux victimes .
Le soir, nous veillons un peu chez nos ‘proprios’, lesquels nous cèdent matin et soir un bon bol de lait.
Mercredi 6. Les journaux nous annoncent que la Bulgarie mobilise contre la Serbie,… contre nous ! les Allemands y régissent en maîtres !
Le soir, j’assiste au concert donné par la musique du 50e.
Jeudi 7. Quelle surprise ! Alors que nous comptions sur la Grèce, les journaux de ce jour nous font pressentir que cette nation cède à la pression boche !… Que sera demain ?…
Le soir, je passe mon après midi à Monténéscourt où seront cantonnés les échelons des 21e et 52e d’artillerie. Je passe en compagnie de Coudert de bons moments avec Courtioux, Dumas, Chaduteau, maréchaux.
Après dîner, nous assistons à la descente du ballon captif (saucisse), et à 9 h je vais rapidement me coucher après avoir écrit cette page.
Vendredi 8. Le bruit circule que nous allons quitter cantonnement et position.
Quelle joie ! Je n’aurai pas vu Arras… Je devais y aller avec Gaston demain soir ( relève ) , mais sans chagrin nous commençons le soir nos préparatifs pour déménager de Wanquetin.
Samedi 9. Vers 7 h du soir (soit 7 jours exacts que nous étions ici ) , arrivée à Bray.
A 4 h nous bivouaquons en plein champs sous de beaux peupliers.
Sol, se trouvant cantonné au moulin du pays, m’y invite à dîner. Le repas est un peu précipité, car à 6 h , il partait avec sa compagnie aux tranchées… où ça tape !
A 8 h , ayant trouvé un petit gourbi, je m’y installe avec Henri Escurats… non sans songer à cette même soirée il y a un mois.
Dimanche 10. Comme depuis le 8, tir continu des batteries en position. Le 1er groupe ayant quitté Arras cette nuit reste là, attelé près de l’échelon, comme groupe de poursuite.
Lundi 11. Nous apprenons au réveil que ce bombardement est la préparation d’une nouvelle attaque de la 24e division .
Le canon gronde jusqu’à 4 h ½, moment où les fantassins doivent sauter dans les tranchées ennemies… puis silence absolu.
A 9 h nous recevons l’ordre de dételer !… Nous nous couchons.
Cette attaque préparée par l’artillerie depuis 4 jours devait compléter celle du 25 Septembre.
Mardi 12. Au réveil, nous savons que le 300e d’infanterie, le 108e d’infanterie, les 42e et 44e régiment de chasseurs à pied qui occupaient les premières lignes avaient
(un blanc. Refusé ? Ndx) de sortir, seule la 4e compagnie du 108e qui est montée à l’assaut a été (deuxième blanc. Ndx) ……………………………………………………………………
Q . t. d. f. n. o. s. et q.
( Toute interprétation de votre part m’intéresse ! Ndx )
Mercredi 13. Nous sommes là toujours sur le qui vive. Partirons nous ? ou resterons nous ? Que va-t-il se passer ?… Les Balkans, la Serbie réclament des hommes !…
Jeudi 14. Aucun ordre. Le soir, nous faisons l’ascension du Mont Saint Eloi.
C’est navrant de voir dans quel piteux état sont les belles tours de ce mont.
Sur le parcours, nous visitons quelques pièces de 270 mm.
Vendredi 15. Je vais en voiture le matin à Haute Avesnes, chercher un appareil à douche pour le groupe.
Je passe un moment avec Louis Treuil.
Samedi 16. Calme absolu depuis le 11 au soir dans tout le secteur, pour ainsi dire, pas un coup de canon. Que se passe-t-il ?
Les Balkans commencent à brûler ! Delcassé démissionne !
Un nouveau corps expéditionnaire pour Salonique s’embarque à Marseille… et la mort, plus que jamais, fauche à son aise !… C’est pour la civilisation !… Que nous réservera-t-elle pour l’avenir ?
Heureusement qu’à côté des soucis, l’on a quelques bonnes surprises, telle qu’à 4 h la visite de Louis Ségéral du 4e génie, ou de bons moments tel que la bonne soirée passée de 6 h à 9 h avec les sergents de la compagnie de Sol, 6e génie, redescendus au repos.
Dimanche 17. A 7 h, départ pour Lattre Saint Quentin où j’accompagne Guillemon et Pradeau à l’équipe de réparation. Nous faisons un bon repas en compagnie d’ Auguste Clauzade, de Trarieux de Cublac, de Ségalat de Puy d’Arnac. Retour à 3 h .
A 5 h, le Major me prie d ‘accompagner en voiture le Lieutenant Nicoleau gare Savy. ( Permissionnaire )
Départ 10 h ½, retour le
Lundi 18. à 1 h ½ du matin. Repos jusqu’à 8 h du matin. Le soir, je dîne en compagnie de Coudert, Neuville, Berthon, Mazet ( de Beaulieu ) .
Les journées sont assez belles, mais les nuits sont fraîches.
Mardi 19. Nous pensons aller en position sous peu, et passer une partie de l’hiver dans ce secteur.
Mercredi 20. Le matin, grand nettoyage en plein champ. Quelle vie !
Le soir, nous allons en compagnie de Coudert passer l’après midi à Aubigny. Nous faisons quelques emplettes et un bon repas à l’hôtel. Retour après halte à 9 h au cantonnement.
Jeudi 21. Calme. Nous pensons aller demain en batterie.
Vendredi 22. Réveil à 2 h ½, départ à 3 h ½. En voiture, nous arrivons à 4 h ½ aux nouvelles positions, Situées à 1500 m de celles que le groupe a occupé jusqu’au 29 Septembre.
Nous couchons au P. de S. ( ? ndx ) et passons une journée avec Beaudry à la batterie où nous aménageons un solide bureau…salon !
Samedi 23. Tout le jour, nous travaillons à aménager notre gourbi à côté de la 3e pièce.
Dimanche 24. Quel Dimanche ! De 7 h du matin à 3 h ½ du soir, heure à laquelle m’arrive un bon courrier, je n’ai fait que terrasser !
Coïncidence, je reçois à la fois une bonne lettre de Jeanne avec un colis ( cache-nez, etc. ), une de Marie avec les ‘doigts de gants’, et une d’Antonin. Tout cela me remet le cœur en place et aide à prendre son sort du bon côté…malgré que la Grèce refuse l’île de Chypre à l’Angleterre.
Lundi 25. Pluie et brouillard tout le jour. J’écris. ( nasses à rats )
Mardi 26. Réveil 7 h . Nous faisons la porte du gourbi. Nous recevons la visite de 4 avions boches qui faillirent jouer un vilain tour à Chazat ( éclat d’obus ) .
Le soir, avec Vincent Lapeyre, je vais à Mareuil faire quelques emplettes.
Mercredi 27 à Vendredi 29. Toujours occupé au gourbi. De la pluie. Accalmie dans le secteur.
Samedi 30. Oh ! Grand Dieu ! Quelle journée ! Terrible ! Affreuse !
A 5 h ½, réveil par un bombardement en règle de notre 1ère ligne d’infanterie par l’artillerie ennemie. Nous faisons aussitôt un tir de barrage, Mais l’ennemi a déjà pris possession de notre première tranchée.
A 6 h ½, un 150 écrase l’abri de la 1ère pièce, contusionnant 3 hommes et enterrant Cubertafond. Nous nous mettons aussitôt à l’œuvre pour le dégager des décombres. ½ h après, il revoyait… le jour. Les marmites tombaient devant et derrière nous dans un rayon de 300 m.
L’ennemi continue à nous bombarder jusqu’à midi. Durant ce temps, nous sommes installés tous sous la route à 7 m sous terre environ.
De midi à 2 h cela nous permet de déjeuner, mais comment !…
Et nous recevons l’ordre de nous préparer à la contre-attaque. En effet, après avoir reçu 1 000 obus du ravitaillement, nous tirons dès 4 h 3 coups par minute jusqu’à 5 h.
Les fantassins du 50e et 108e essayent de reprendre le terrain perdu. Nous avions allongé le tir de 250 m. Le 108e arrive à conquérir 135 m et est obligé de s’arrêter. ( Lieutenant Baluteau )
A 7 h, avec Beaudry, nous étions relevés par Audoin et Delorière. Nous n’aurions pas cédé notre place bon marché. Nous arrivons à 7 h ½ aux avant-trains où nous respirons…
Le bombardement a continué toute la nuit.
Dimanche 31. A 5 h, nouvelle contre-attaque des nôtres pour achever de prendre les positions perdues la veille, chose qui se fait après… quel sacrifice !………
Il pleut.
Temps affreux…
Boue.
NOVEMBRE
16e Mois !…
Lundi 1er. 455e jour de la guerre !
Briand, Président du conseil, en présentant le nouveau cabinet devant la Chambre, dans son discours s’exprime ainsi :… « Des hommes sont là depuis 15 mois, ils ont tout quitté, ils ont souffert, beaucoup sont morts…, Quand saurons-nous le nombre représenté dans ce ‘beaucoup’ ? »
Comme premier travail, nous encaissons Gilbert, ex-Maréchal des Logis 2e batterie, 34e Artillerie, passé tout récemment Sous-lieutenant d’infanterie, tué dans l’attaque du 30 écoulé.
Nous déjeunons en compagnie de Beaudry et Clerfeuille, assez bien abrités, mais dehors il pleut, le vent est froid, impossible de sortir. J’écris .
Quelle différence auprès du même jour il y a un an ! Il faisait beau, nous étions au milieu des beaux sapins de Sept Saulx. Quel changement !
Mardi 2. Les Morts.
Jamais plus je n’avais senti la portée de ce jour comme ici. Privé de me rendre sur la tombe des miens, je vais sur celle des héros couchés à 300 m de notre cahute ( entre Bray et Ecoivre ). Ils sont là 1 000, tous avec la même croix de sapin blanc sur laquelle est écrit leur nom. Ce sont les ‘favorisés’ des morts pour la France, car combien ont séchés ou sont enfouis à jamais entre les lignes !
C’est le cœur gros que l’on songe à ces nobles vers immortalisés par ce cataclysme de 1914-1915 :
Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie
Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie,
Parmi les plus beaux noms leur nom est le plus beau ;
Toue gloire, auprès d’eux, passe et tombe, éphémère,
Et comme ferait une mère,
La voix d’un peuple entier les berce en leur tombeau.
Victor Hugo.
Mercredi 3. Nous terminons l’aménagement de notre gourbi dans le bois de Bray où nous sommes et prendrons à l’avenir notre repos. J’écris.
Jeudi 4 au Mardi 9. Pluie, brouillard, froid. Par contre, l’ennemi nous fiche la paix.
Mercredi 10. Ayant reçu la veille une carte d’ Antonin m’annonçant son prochain départ pour Brive, je pars à 6 h ½ pour Le Courray où j’arrive à 9 h ½ sans être trop trempé…
Nous mangeons, car j’avais faim. Après un bon repas, (crêpes), nous causons de ce qui peut nous intéresser. J’arrivais à l’échelon à 5 h ½ où, après un semblant de dîner, je me reposais bien tranquille. J’avais fait 50 km à cheval !
Jeudi 11 à Samedi 13. Pluie, vent. Accalmie complète dans le secteur. Mais quel temps ! Dans la boue ! Dans la boue.
Dimanche 14. Malgré le triste temps, les boches attaquent. La batterie est bien arrosée, obus et gaz. (Labyrinthe ) L’effort se fait surtout à notre droite.
Je suis au repos. J’écris.
Lundi 15 Mardi 16.
On bousille !…
On bricole !…
Le temps dure…
Mercredi 17. Je rencontre Romain qui vient dîner avec nous. Nous passons une bonne soirée durant laquelle nous avons discuté fin de la guerre !…
Jeudi 18 Vendredi 19. Toujours triste temps.
Samedi 20. Après avoir pris une bonne douche à Ecoivre, je prépare mes affaires pour monter relever Clerfeuille aux batteries de tir où j’arrivais à 7 h ½.
Dimanche 21. Réveil 7 h. Dès 8 h, nous apprenons que toute la batterie va descendre au repos aux avants-trains. Pour moi, quelle joie ! 24 h…
Arrivé à notre gourbi à 7 h ½. Bon dîner. A 11 h, j’accompagne Clerfeuille à la gare de Savy.
Lundi 22 Mardi 23. Rien. Accalmie dans le secteur.
Mercredi 24. Je vais à Haute Avesnes.
Jeudi 25. Sainte Catherine, Patronne des Charrons.
Dans la matinée, Souchez arrive de Cognac portant à Beaudry un bon colis que nous goûtons à déjeuner. Le soir, bon dîner en compagnie de Sol, Séguy Sergent au 6e Génie. Nous passons une bonne soirée, Delorière petite flûte, Legros (Bidas) Beaudry (Riviera).
Vendredi 26. Il neige. C’est la première fois en cette saison.
Samedi 27. Je reçois un mot d’ Antonin m’annonçant sa visite pour demain.
Dimanche 28. Journée mémorable au Front.
A 9 h, arrivée d’ Antonin. Nous partons aussitôt pour les batteries. (Holstein, Roux, cuisine, abris, installation, trous, boyaux, tranchées, avions.)
A midi nous étions de retour dans notre gourbi près de la ‘saucisse’ Bois de Bray où nous trouvons un bon déjeuner préparé par Audoin.
Après un bon digestif et avoir causé un instant avec le Capitaine, nous parlons des derniers détails de sa permission pouvant m’intéresser. (Chanat, Lapeyre)
A 5 h, préparatifs de départ (vélo crevé). Je l’accompagne jusqu’à Haut Avesnes. Il gèle, mais, à la vitesse où nous marchions, l’on se réchauffait.
Séparation à 6 h, enchantés d’une si agréable journée.
Lundi 29. J’écris à Jeanne, aux parents, aux amis.
Mardi 30. Dernier jour de ce triste mois. Malheureusement, il n’est pas le dernier de la guerre, mais celui de la terminaison du repos accordé à la batterie. Aussi, dès 3 h, préparatifs de départ.
A 8 h ½, nous arrivons à la position, et avec Audoin nous nous installons dans notre ‘petite cagnas’. Impression faite à Antonin avant hier ; malgré tout nous nous y trouvons assez bien. Dehors, il pleut !…
DÉCEMBRE
Mercredi 1er. Réveil à 6 h ½ par un obus qui tombe à 200 m en avant de nous, puis tout le jour tir de l’ennemi par intervalles assez éloignés sur la route et en avant de notre position.
Il pleut. Nous sommes dans la boue.
Jeudi 2. J’écris… Même temps… Pas un seul obus ennemi.
Vendredi 3. Rien de particulier, même temps.
Clerfeuille, de retour de permission, monte à la batterie et nous conte ses impressions. Conches arrive à la batterie de tir.
Samedi 4. Au réveil, nous trouvons la tranchée à demi éboulée, et l’eau a pénétré dans de nombreux gourbis.
Le soir, Delorière vient me relever.
Dimanche 5 au Dimanche 12. Accalmie dans le secteur. Par contre, pluie et boue, pluie et boue, pluie et boue……
Lundi 13 au Dimanche 19. Même semaine. Pluie et boue. Lettre de Jeanne.
La retraite de Sarrail est terminée à Salonique.
Lundi 20. L’on nous annonce que nous allons changer de place, batterie de tir et échelon. Il pleut.
Mardi 21. A 1 h du matin je monte en voiture à la batterie pour déménager les affaires de notre poste… pour les conduire à la même sape que nous avons occupée jusqu’au Jeudi 30 Septembre dernier.
Brouillard et boue.
Mercredi 22. A 7 h, je suis toujours en voiture au poste de M. Bareige pour transporter ses affaires, les médicaments et appareils divers du Service de Santé.
A 10 h, j’étais de retour. A midi, attelé pour conduire les ‘cantines’ de M. Holstein à Habareq.
Après midi, officiellement ‘Contrordre’. A 1 h, devant un bon feu dans notre confortable cahute. A 9 h, au lit.
Depuis 4 jours, violentes canonnades dans le secteur de gauche… Nous nous préparons à recevoir une attaque ennemie.
Jeudi 23. Réveil à 6 h. A 8 h je partais faire le voyage que le contrordre m’avait empêché de faire la veille.
A 9 h ½, j’étais au Bois d’Habareq où je déjeunais avec les amis de l’échelon.
A midi et demi, j’étais de retour à Bray. Avec Beaudry, nous démolissons en partie notre cahute afin de transporter les matériaux nécessaires à en construire une autre dans le nouveau bois où nous allons cantonner.
Nous arrivons avec un chargement après la tombée de la nuit, et, par une pluie battante, nous trouvons la cheminée d’ Escurat bien allumée.
1 h pour nous sécher, durant laquelle j’en brûle ma vareuse…
Vendredi 24. Il a plu toute la nuit, nous pataugeons dans la boue. Entre chaque averse, nous commençons notre abri…
Le soir, avec les camarades de la pièce, nous décidons de faire Réveillon ‘quand même’. Vers 10 h, nous nous trouvions une dizaine réunis autour d’une table improvisée en hâte dans une cahute déserte. (Elle me faisait songer à la grange de Bethléem)
Mais je ne pouvais m’empêcher de penser au contraste qui existait entre cette soirée et celle de l’an dernier. Quelle différence !… Quel poids sur le cœur ! A minuit sur la paille.
Samedi 25. Noël.
L’an passé, en fêtant ce jour que nous désignions alors ‘La Noël Rouge’, chacun d’entre nous pensait bien que cette année, nous célébrerions la Noël 1915 chez nous. Hélas ! cet espoir n’était qu’un rêve.
Aujourd’hui, l’on se demande si le 25 Décembre prochain, les survivants de cette abominable lutte ne seront pas encore en
GUERRE !
Dimanche 26. Même temps. Vent, pluie.
Lundi 27, Mardi 28. J’écris. Nous travaillons hardiment à notre demeure.
Mercredi 29. Le soir, je vais à Haute Avesnes, je vois Louis Treuil et je dîne avec Hardy, maréchal, qui me paye sa fourniture de clous, et Chanat. (poulet 8,50)
Jeudi 30. Je vais à Ecoivres chercher en voiture divers médicaments et de la ‘graisse de pieds’.
Vendredi 31. Clôture 1915. Année de sacrifices, de douleurs, de deuils… Je n’ose regarder les journées vécues depuis Août 1914 !…
1916 qui va naître s’annonce aussi sanglante sinon plus !
De tous les partis, un seul cri : « Des canon ! Des munitions ! »
ANNÉE 1917
JANVIER
1er Janvier – Samedi
——–.——–
Réveil 5 h. Levé à 7 h. A 8 h, j’écris à Jeanne et à la famille Vedrenne.
Quelques pâles rayons de soleil semblent vouloir nous donner un peu de gaieté au cœur… Mais, hélas ! pour la 2e fois à l’occasion de cette grande fête de famille, les rayons des yeux, du sourire de ceux que nous chérissons nous manque. Les autres ne peuvent suffisamment nous réchauffer le cœur pour être heureux ! L’on ose à peine s’adresser mutuellement nos vœux…
Vers 11 h, je lis : « Une fois encore, une année se lève sur le monde dans une aurore sanglante… A cette heure, d’un bout à l’autre de l’univers, les esprits se recueillent et s’interrogent : de quoi demain sera-t-il fait ?… »
A midi, repas assez copieux durant lequel nous terminons tous les colis qui n’ont pu arriver à temps pour Noël : nous en avions 6 entre nous tous. De plus, la veille, l’ Etat nous avait fait distribuer ses ‘étrennes’, comprenant : Une bouteille de vin blanc champagnisée pour 4, une orange, deux pommes, un cigare pour chacun.
A 2 h, nous allons relever nos camarades aux batteries, que le déménagement ou notre installation nous avait empêché de le faire Samedi dernier.
C’est donc pour 15 jours que nous y montons, et ainsi, sans doute, se continuera le roulement tant que nous serons à cette position où nous sommes bien abrités.
Nous y arrivons à 4 h (nous étant arrêtes en passant à notre ancien cantonnement de Bray). Nous trouvons avec plaisir une belle salle aménagée à la sortie de la sape, dans laquelle table, chaises, glace, cuisinière.
Dimanche 2. J’ai un bon courrier dans lequel une lettre de Mademoiselle Daunat qui accepte d’être ma petite marraine de guerre.
Le secteur est assez tranquille.
Lundi 3. Le Capitaine me fait appeler pour me proposer qu’il peut m’envoyer dans un dépôt d’autos pour conduite de tracteurs de canons autos. Il me conseille de rester, sachant « Ce que j’ai et ignorant ce que je vais prendre ».
Après un long entretien… je reste… ma vie étant autant en danger qu’ici et ma responsabilité plus grande. L’avenir me prouvera si j’ai eu raison !
Mardi 4 au Vendredi 7. Pluie, brouillard, vent. Durant ces jours, je trouve quelques obus de 37 mm qui feront de beaux souvenirs.
Samedi 8. Saint Lucien. Je vais à Mareuil.
Je déjeune avec Romain qui me raccompagne à mi-chemin. Bon dîner. Huîtres à la pièce.
Dimanche 9. Soleil et pluie. Je m’occupe l’après midi à fendre du bois. Dans la soirée, nous apprenons que Poincaré a passé quelques moments à Mareuil, de 4 h à 5 h du soir.
Lundi 10, Mardi 11. Rien de particulier. Calme dans le secteur.
Mercredi 12. Nous apprenons aujourd’hui que l’opération des Dardanelles, engagée le 8 Février 1915 par le bombardement des forts de l’entrée des Détroits, s’est terminée le 8 Janvier 1916 par l’évacuation totale de la presqu’île de Gallipoli.
Elle a coûté en hommes, du côté Anglais, 115 000, sur lesquels plus de 25 000 tués… En matériel, 5 cuirassés (dont 1 français et 2 belges), 2 transports (dont 1 français, le Carthage), et que le Monténégro est dans une situation critique.
Jeudi 13, Vendredi 14. Rien de saillant.
Samedi 15. Relève. A 5 h, j’arrivais à l’échelon.
Durant la semaine écoulée, j’ai fait quelques photos miniatures de la position de batterie.
Dimanche 16. Après avoir pris un bon café, je vais à Haute Avesnes où Lamothe doit me donner le colis envoyé par Jeanne. Nous le mangeons ensemble, en compagnie de Chanat. (Pâté truffé).
Après avoir pris le digestif avec Louis Treuil, nous allons à La Ressée, puis nous revenons dîner au même hôtel où nous avons déjeuné, et où nous terminons le colis extra de Py.
A 7 h ½, j’étais à l’échelon, Bois d’ Habarcq, Pas de Calais.
Lundi 17. Réveil à 5 h. Je soigne le cheval de Chaussard qui va me porter à Le Corroy où je vais passer la journée avec Antonin.
A 9 h, nous étions ensemble. Il m’annonce aussitôt qu’il est relevé, versé dans une batterie de 58 mm au 21e corps. Quelle ‘sale’ nouvelle !
On se ‘remonte’. Nous déjeunons à la pièce, nous allons prendre le café en compagnie de Lapeyre, de Malepeyre, puis nous assistons à une revue passée par le Général (Il n’a pas du savoir son nom. Ndx), où nous rencontrons M. Bruel. De là, nous allons à la chambre d’artillerie mettre quelques détails au net, et à 5 h nous nous trouvions réunis chez d’aimables boulangers, ‘hôteliers pour la durée de la guerre’, pour dîner.
La principale conversation a trait à son nouvel emploi… Puis nous réveillonnons chez ses ‘patrons’ (charron).
A minuit, je le quittais pour rejoindre le cantonnement où j’arrivais sans encombres le :
Mardi 18. à 2 h du matin. Je me couchais aussitôt, lorsque, vers 4 h du matin, Clerfeuille et moi sommes réveillés par des cris : « Au secours ! au secours ! »
Tétard, dans un accès de folie venait, à 3 m de notre gourbi, de plonger 6 coups de couteau à Béniteau, que nous pansons aussitôt.
A 7 h, je me recouchais pour me relever à 10 h où je me met à écrire.
Le soir : triste. Visite du Capitaine, du Commandant, enquête. L’un est à l’hôpital, l’autre en prison……..
Je vais à Harmonville voir la S. A. ( ? Ndx) pour le cas d’ Antonin.
Mercredi 18 à Samedi 21. En général, rien. Question militaire, voir affaire du Monténégro.
Dimanche 22. Réveil à 5 h ½ par un roulement continu des pièces d’artillerie, lequel dure au moins une heure. Que se passe-t-il là haut ?
Vers midi, nous apprenons que les boches ont attaqué à ‘l’improviste’ et se sont emparés de la 1re ligne…
Après déjeuner, je vais à Tilloy les Hermavilles passer la soirée avec François Peyrebrune.
A 7 h, j’étais de retour au cantonnement où je trouve Audoin prêt à partir en permission.
Lundi 24. Toute la nuit, tout le jour, bombardement. Le soir, les boches font sauter des mines.
Mardi 25. Au réveil, j’apprends qu’ Antonin est déjà à son poste !
L’après midi, je vais à Mareuil prendre de ses nouvelles. Je trouve ses camarades tous émotionnés me montrant leur logis écrasé par un obus. Antonin est reparti à la tranchée.
Tout le jour, bombardement.
Mercredi 26. Même vie. L’échelon monte tous les soirs ravitailler…
1re batterie, un mort, Bouchard, un blessé, Herse.
2e batterie, Capitaine Venante, blessé.
Chez nous, heureusement rien.
Jeudi 27. Je monte l’après midi à Mareuil passer un moment avec Antonin. Nous nous séparons le cœur un peu gros. Il est plus militant que moi !…
Les attaques continuent.
Vendredi 28. Je n’ai pu dormir de la nuit tant le bombardement a été sauvage.
Le déplacement d’air à chaque coup de nos grosses pièces ou des éclatement des gros obus de l’ennemi se faisait sentir jusqu’à nous… Nerfs… Trac…
Samedi 39. ( !! Nerf… trac… en effet! Ndx) Dernier jour d’une triste et angoissante semaine pour tout le 2e corps.
Mais… les entonnoirs crées par l’explosion des mines sautées par l’ennemi sont toujours disputés par les adversaires.
La veille, j’avais conduit Chanat à Aubigny pour sa permission.
Dimanche 30. Le bombardement reste intense dans le secteur…
Jamais plus nous n’avions entendu un tel bombardement ni subi d’attaques aussi violentes. Que pense faire l’ennemi ? Toujours est-il qu’il ne passera pas………
Lundi 31. Le bombardement est moins intense. L’ennemi qui, au début de la semaine dernière était arrivé à notre tranchée de soutien conserve encore notre première ligne.
Dès le soir, on a l’impression que le calme renaît.
FÉVRIER
Mardi 1er. Accalmie.
Mercredi 2 Jeudi 3. Par nous attaque. 50e. 2 fois. Re-50e.
Vendredi 4. Retour d’ Audoin.
Samedi 5. Départ à 9 h du cantonnement pour aller relever Delorière, mais, avec Audoin, nous nous arrêtons à Mareuil pour déjeuner avec Antonin qui est au repos. Nous y arrivons à 10 h ½.
A peine entré dans la caserne, je trouve Romain, relevé également dans la nuit. Nous allons ensemble pour surprendre mon frère. Nous nous croisons en chemin, et surprise, il est en compagnie de Pichot.
Nous voilà donc un groupe intime disposé à passer un bon moment ensemble, chose que nous faisons jusqu’à 2 h ½, puis nous partons à la batterie.
A 7 h, j’étais de retour à la batterie. J’écris.
Dimanche 6. Je suis presque assuré que je partirai à nouveau en permission le 10 prochain.
Lundi 7. J’ai l’occasion de voir à Haute Avesnes notre nouveau Général Marbacq, 45 ans.
Mardi 8. A 3 h, attaque par les boches.
Le soir, je dîne avec Chanat.
Mercredi 9. Je vais à Ecouvre. (douche)
Jeudi 10. Réveil 6 h ½. Je vais à cheval à Mareuil prendre des nouvelles d’ Antonin. Au retour, je passe au bureau où j’apprends que ma permission a été présentée. L’après midi, je me prépare.
A 4 h violent bombardement dans la gauche du secteur.
A 5 h, repas…
A 6 h j’ai ma permission. Il est 10 h. Je vais partir au train à Aubigny.
Vendredi 11. Départ d’ Aubigny à 2 h du matin. Nous allons jusqu’à Clermont où nous arrivons à 11 h sans changer de train. De là, départ à 3 h pour Juvisy ( grande ceinture). Nous prenons là à minuit un express qui, après 4 ou 5 arrêts, me dépose à Brive.
A 7 h ½ le matin du
Samedi 12. Je trouve Léa, Marie, Nana et Lulu à
Ici, quatre pages ont été découpées. Ensuite, c’est l’écriture (authentifiée par Katie) de Mamèe (Jeanne) jusqu’au 1er Mai.
Hypothèse : A la fin de sa permission, L. A. a oublié son carnet à Py et a envoyé ses notes à sa fiancée qui les a recopiées, mais elle n’a pas du trouver à son goût sa relation de sa permission avec elle, d’où… ciseaux !
Il a du recevoir le carnet le 1er Mai avec la « bonne lettre de Jeanne », car ensuite, c’est à nouveau son écriture….Ndx !
…Verdun, laquelle paraît vouloir continuer avcc acharnement.
Mardi 29. Clôture le 19e mois de la guerre. Le bruit circule que nous serons sous peu relevés par les Anglais…..
MARS
Mercredi 1er. Les journaux de ce jour nous apprennent la perte du transatlantique ‘Provence’ coulé le 26 Février.
Jeudi 2. Les permissions sont suspendues.
Vendredi 3. Rien.
Samedi 4, Dimanche 5. L’après midi, avec Boissière, je vais à Duisan voir quelques amis de la 112e artillerie lourde. Nous y trouvons M. Kein. La lutte devant Verdun continue avec le même acharnement. (15e jour)
Lundi 6. Arrivée à la 2e batterie de Delmas de Masseret, ancien Maréchal des Logis du 90e Champagne.
Mardi gras 7. Nous le fêtons à Hermaville en compagnie de Mathieu, Gaston, Delmas et autres amis. (Neige)
Mercredi 8. Arrivée en masse d’infanterie et d’artillerie anglaises.
Jeudi 9. Avalanche d’ Anglais… A 3 h, Antonin arrive, voulant à son tour me faire la surprise d’avoir de suite des nouvelles de la famille, du pays, des affaires. Nous allons dîner tous les deux à Hermaville.
Retour à 9 h ½ au cantonnement (Bois d’ Habareq) où nous nous couchons aussitôt.
Vendredi 10. Réveil à 7 h. Déjeuner, puis courses dans la neige… A 11 h, je l’accompagne sur la route d’ Arras à Saint Pol où il trouve une auto qui le ramène chez lui.
Au retour, j’apprends que nous serons relevés sans tarder.
Samedi 11 au lundi 13. Préparatifs de départ.
Mardi 14. A 0 h 30, nos quittons le bois d’ Habareq où la batterie de tir est venue nous rejoindre.
Nous arrivons à Moucheaux à 11 h. Nous cantonnons chez des gens qui viennent d’apprendre la mort de leur fils devant Verdun. Ils sont très aimables et nous font notre cuisine. (Lessiveuse mécanique, mascotte)
Mercredi 15. Réveil 7 h ; Nous déjeunons au lait, rangeons nos affaires.
A midi, nous prenons la direction de Couchy où nous arrivons à 4 h (Pas de pain à Moucheaux, pas de pain ici, heureusement, l’habitant est muni.)
Nous couchons dans une vieille masure. (Paille pourrie)
Jeudi 16. Réveil 8 h. L’on nous annonce que nous embarquons à Frévent dans la soirée.
A 4 h, nous quittons Couchy. A 7 h, nous embarquons à la gare de Frévent chevaux et matériel, à 10 h, départ.
Vendredi 17. Nous nous réveillons à 6 h ½ à Ailly sur Noye où nous débarquons. Nous voilà revenus dans la Somme .
A 8 h, départ pour aller cantonner à La Falaise. Nous sommes logés chez de bons vieux (A. Guyard)
Après déjeuner, nettoyage du matériel, puis nous visitons le patelin très coquet.
Samedi 18. J’écris. Je vais prendre le café au ‘Chalet’ près de la gare.
Dimanche 19. Réveil 8 h. Vernissage du matériel. L’après midi, nous faisons une excursion dans la région.
Lundi 20. Nous visitons le château de La Falaise, la chambre de Henri IV où il rencontra la belle Gabrielle.
Le précédent propriétaire du château fut l’inventeur des phosphates.
Mardi 21. Un mois que les boches attaquent avec une rage inouïe Verdun et ses environs. Nous nous arrachons les journaux…
Etant au repos, nous craignons d’être ‘bons’ pour y aller faire un tour…
Mercredi 22 au Mercredi 29. Nous jouissons de notre repos assez agréablement ; nos menus sont des plus variés.
Madame Guyard, excellente cuisinière, va jusqu’à nous faire des œufs au lait… Grand extra pour des ‘poilus’, sans oublier le gibier que Gaston prenait à foison.
Tout allait pour le mieux lorsque
Lundi 30. Alerte à 5 h : La 1re batterie quitte le pays à 8 h du matin, nous à midi. Adieu aux amis : Barrigues, instituteur, Blangny (journaux), aux proprios !
A 5 h, nous avions tout embarqué à la gare d’ Ailly sur Noye. En route aussitôt pour une nouvelle destination… Nuit froide…
Vendredi 31. Réveil aux environs de Paris, grande Ceinture .A 7 h, nous étions à Champigny. (Carte J Cap. Cliché).
Nous traversons la forêt de Rambouillet (faisans), puis par Longueville où se trouve un grand dépôt du génie. (fils, ronces, tôles)
Nous prenons la lignes de Troyes où nous arrivons à 3 h de l’après midi. J’envoie quelques cartes de Bar sur Aube où nous nous ravitaillons pour notre dîner, après lequel nous nous endormons jusqu’à Gondrecourt où nous arrivons à minuit…
Et la roue se continue jusqu’à Ligny en Barrois, terme de notre voyage. Il est 2 h du matin, soit 31 h de chemin de fer !
AVRIL
Samedi 1er. A 3 h du matin, nous comprenons que, malgré le grand détour que l’on nous a fait faire, nous allons dans la direction de Verdun… Comme Poisson… C’est bien servi !… Mais avec trop d’arêtes !…
A 3 h ½, le capitaine commande : « A cheval ! » et en route vers Dommarie où nous arrivons à 11 h du matin. Nous venons de faire 40 km. Aussi nous tarde-t-il de nous reposer.
Nous cantonnons chez Monsieur Salin (fonderie). Dans la soirée, je visite ces ateliers modernes travaillant pour la guerre. (Volants de 30 000 kgs – Mouleur : un mois, 600 Frs)
A 7 h, au lit.
Dimanche 2. Réveil 5 h. Surprise pénible : le Capitaine Thaou a reçu l’ordre de rejoindre Fontainebleau comme instructeur… Il nous quitte !…
Il nous réunit, nous exprime ses regrets d’être obligé d’abandonner cette batterie qu’il commande depuis plus d’un an. Et c’est les larmes dans les yeux qu’il nous serre la main à tous. Le Lieutenant Tourreau de la 1re batterie le remplace.
A 9 h, départ pour Coudé. Encore 30 km à faire sur nos caissons rembourrés ! Cela doit presser !
Sur le parcours, nous traversons Rembercourt (église) , Beauzée entièrement détruits.
A 3 h, arrivée au cantonnement où nous bivouaquons. Nous trouvons dans ce patelin les 4e et 5e Zouave qui ont enrayé la marche des boches sur Douaumont du 24 Février au 4 Mars !…
Lundi 3. Réveil 7 h, départ à 8 h ½ pour Osches où nous bivouaquons avec le 2e et 3e groupe.
Mardi 4. Réveil 7 h, départ 9 h. Nous arrivons à 4 h au Bois des Sartelles où seront installés les avant-trains et l’échelon.
Les deux premières pièces de tir partent à 6 h pour aller prendre position à gauche de Verdun. Clerfeuille et moi les accompagnons comme brancardiers. Beau début ! Nous arrivons sur la position le :
Mercredi 5. à 1 h du matin. A 2 h, je m’endormais dans une redoute bien cimentée. Réveil 8 h.
Quel horizon ! Le sol est criblé de trous espacés les uns les autres de 10 m au plus…
C’est le 27e d’artillerie du 1er corps que nous relevons. Ces soldats nous racontent ce qu’ils ont vu et entendu depuis 3 semaines qu’ils occupent le secteur.
Dès midi, nous assistons à un bombardement en règle de Verdun et de toute la région avec des obus de gros calibre. Il s’atténue vers 5 h du soir seulement.
Jeudi 6. Même bombardement que la veille. Vers 4 h du soir, nous recevons des (obus de.. Ndx) 210 à rupture… Démoralisant !..
Vendredi 7. Toujours même situation. Depuis 8 jours nous ne touchons qu’un quart de vin par jour, et rien, absolument rien dans la région… Tous les civils l’ont évacuée.
Samedi 8. Nous recevons l’ordre de tenir coûte que coûte !!…
Dimanche 9. Grande attaque ennemie. Violents bombardements. Un seul blessé : Lagarde, Sous-Chef.
Nous avons reçu au moins 500 obus de 150 et 210 dans cette journée…
Lundi 10. Matinée calme, mais dès midi l’ennemi bombarde à nouveau nos positions avec une violence inouïe.
De 2 h à 2 h ½ et de 4 h à 4 h 20, nous recevons 6 à 7 gros obus à la minute (408 exactement dans l’après midi, comptés du poste d’observation). Pas un seul blessé, mais 4 canons et 2 caissons hors d’usage.
A 8 h, Gaston et moi prenons la route de l’échelon pour 6 jours.
Mardi 11. Quel soupir de soulagement de se trouver là, en plein air et sans danger !
A 2 h, nous allons laver notre linge. Au retour, triste nouvelle reçue par téléphone : 9 camarades de la 1re batterie ont été ensevelis (Guillemont, Dallin…). La canonnade fait rage…
Mercredi 12 au Samedi 15. Repos en tout et pour tout. Malheureusement, il pleut, presque impossible de sortir.
Durant ces quelques jours, j’ai eu le plaisir de voir l’abbé Péricoy, Moinac, M . Reix.
Dimanche 16. Clôture notre repos. J’écris, et à 6 h départ pour les batteries où nous sommes à 7 h ½, à la grande satisfaction de nos camarades…
Lundi 17. Nouvelle grande attaque de l’ennemi, lequel, après un violent bombardement commencé à 8 h, nous envoie, à 10 h ½, des obus lacrymogènes que nous supportons assez facilement… ( Cueille de Tulle blessé )…
La positon reconnue intenable, nous la quittons sans regrets à 9 h du soir pour venir nous installer au Fort du Chana où nous sommes plus en sécurité. ( voyage avec Couche ) Arrivée à 11 h du soir.
Nous occupons aussitôt le poste laissé en assez bon état par nos prédécesseurs. L’un d’eux, Coudert de Beaulieu regrettait plus cette position que nous la nôtre…
Mardi 18. Etablissement de haies pour nous dérober à la vue des observateurs et aménagement de notre intérieur.
Mercredi 19. Même emploi du temps que la veille. La canonnade fait rage à droite et à gauche de notre position.
Jeudi 20. Rien à signaler.
Vendredi 21. Pluie.
Samedi 22. Réveil 8 h ½. A 7 h du soir, nous descendons au repos.
Dimanche 23. Pâques… Quelles Pâques !…
Lundi 24. J’écris…
Mardi 25 au Dimanche 30. Pluie et beau temps !… Le 26, je vais faire quelques emplettes à Souilly où tout est hors de prix et… à 15 km de l’échelon.
MAI
Lundi 1er. Je reçois de bonnes lettres de Jeanne et d’ Antonin.
Mardi 2. Mercredi 3. Beau temps . Visite d’ Avril que nous n’avions pas vu depuis son départ de la 3e batterie à Saint Vast en Chaussée.
Jeudi 4. Retour aux batteries où nous apprenons que nous allons quitter le Fort du Chana pour aller prendre position près de la ferme Bamont dans un bois au sud du Fort de Marre.
Vendredi 5. Dernière journée tranquille au Fort du Chana. Vers 3 h, pressentiment d’orage.
½ h après, 6 ballons captifs (saucisses), se détachent de leurs amarres, s’élèvent en bondissant et se dirigent, poussés par le vent, dans la direction de l’ennemi. Scène poignante : un seul, Boileau, réussit à s’élancer en parachute et tombe de 1 500 à 2 000 m dans les marais de la Meuse vers Charny.
Samedi 6. Réveil à 2 h du matin pour aller construire nos abris, la position de batterie, et nous, notre poste de secours. Triste position.
Dimanche 7. Comme la veille, réveil à 2 h du matin. Dès 4 h, nous étions au travail.
Matinée assez calme, lorsque, vers 9 h, nous recevons une rafale de gros obus. Personne de touché. Nous nous sauvons dans des tranchées provisoires. Durant le parcours, une deuxième rafale blesse 4 hommes, dont 2 grièvement.
Aux premiers appels, je sors à leur secours. Le premier me meurt dans les bras et nous transportons le deuxième au poste de secours.
Pénible journée. Nous arrivons vers 7 h du soir à notre ancienne position où sont encore nos affaires.
Lundi 8. Repos. J’écris.
Mardi 9. Réveil à 2 h. Nous allons terminer l’installation de la position.
Je cause au Lieutenant Nicoleau de mon désir de rentrer aux tracteurs avec mon frère, en évoquant la circulaire du 27 Décembre 1915 qui devait me relever, et pour laquelle il m’avait conseillé de rester.
Après un long entretien, il me dit de faire ma demande, et qu’il l’appuiera auprès du Capitaine !
Le soir, nous allons chercher nos affaires au Fort du Chana. Canons, caissons ; nous arrivons à 10 h à la ferme Bamont.
A 11 h, nous étions au lit. Quelle nuit !… 1 h de repos.
Mercredi 10. La journée se passe à aménager notre gourbi.
Le soir, nous sommes relevés, Gaston et moi, par Audoin et Delorière.
Jeudi 11. Je trouve quelques bouteilles de vin vieux. Je dîne avec Mathieu.
Vendredi 12. J’écris.
Samedi 13. Averse épouvantable. J’apprends que ma demande suit normalement la voie hiérarchique de l’armée.
Dimanche 14. Le bruit circule que nous allons être relevés.
Lundi 15. Je vais voir Romain qui vient d’être relevé de la ferme de Thiaumont où ils sont restés 2 jours sans pain !
Mardi 16. Après un repos trop rapidement passé, nous remontons avec Beaudry à la batterie de tir !… Ça cogne toujours.
Mercredi 17. Journée assez calme. Ma demande a été approuvée par le colonel et a été transmise au Général.
Le soir, j’apprends par Gaston qu’au rapport a paru ma citation proposée par le Capitaine Toureau au sujet de la matinée du 7.
Jeudi 18, Vendredi 19. Bombardement de gros calibres.
Samedi 20. Nous recevons dans le bois que nous occupons au moins 1 000 obus de 77. Quelle journée !!
Dimanche 21. Réveil 3 h. Comme les jours précédents, pour camoufler la position, dès 4 h nous laçons 300 obus asphyxiants par batterie sur les batteries adverses.
Dès midi, nous recevons un violent bombardement d’obus de gros calibre sur la batterie qui ne se termine qu’à 3 h. 3 de ces obus sont tombés aux abords du gourbi.
A 3 h ½, par téléphone, arrive l’heureuse nouvelle que j’étais affecté comme chauffeur aux lourds.
QUELLE HEURE GLORIEUSE.
A 8 h, j’avais fait mes adieux aux amis et je descendais à l’échelon.
Lundi 22. Réveil à 6 h par le Chef qui m’annonce que je suis attendu à la division avant 9 h, pour qu’on me remette mes papiers de route et ma croix.
A 9 h, j’arrive aux casernes de Jardin Fontaine. Je me présente au Colonel qui me fait expliquer le motif de ma citation et me remet devant les officiers présents la ‘Croix de Guerre’ que je reçois avec une certaine émotion.
Je vais ensuite dire bonjour à Louis Treuil, et de là je rejoins mon cantonnement, tout heureux de ma situation.
Je déjeune avec Louis et Henri Audoin (Curé d’ Aubazine) . Louis m’accompagne avec Chanat à la gare de Nixéville d’où je vais ‘incognito’ jusqu’à Bar le Duc.
Départ de Bar à 8 h, Arrivée à Paris
Mardi 23. à 6 h. Je me dirige aussitôt via Boulogne où je trouve Antonin. Je lance 2 télégrammes et nous déjeunons ensemble.
L’après midi, nous circulons ‘libres et indépendants’ dans la capitale où nous dînons dans un ‘bath’ restaurant. Nous nous quittons à 9 h. Je vais me coucher Hôtel Astoria…
Mercredi 24. Réveil 6 h ½. Je vais me faire inscrire au 2e régiment d’ Artillerie Lourde de Vincennes ( Fort de Vincennes ), d’où le suis dirigé par Noisy le Grand à la 61e batterie.
Dès mon affectation dans cette batterie, je repars pour Boulogne voir Antonin. Je le rejoins au Parc d’où il sort tout équipé, prêt à partir à la 34e batterie, 13e Artillerie.
Retour à 9 h ½ à Noisy.
Jeudi 25. Réveil 6 h. Je prépare quelques affaires. J’écris.
A 9 h, je suis reçu par le Colonel auquel je réclame une permission.
– @ –
Ici se termine le 3e carnet de Guerre. J’y ai trouvé deux violettes séchées entre les pages, une carte des environs de Verdun annotée (pièce jointe), un petit article découpé qui dit : ‘ Dans une lettre au Maire de Suméne, Chef-lieu du canton qu’il représente au Conseil Général du Gard, le Général Marchand écrit : « Je compte avoir repris ma place au front dans 6 semaines, car en ces temps-ci, on a le droit d’être mort, mais pas d’être malade ! »
Pour la suite des événements, se reporter à ‘Passé et Présent’ qu’il a écrit en 1975.
Xavier